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Groupement des Diététiciens sensibilisés à l'Ecologie Alimentaire

Le GDEA reçoit Stéfane Guilbaud pour parler de désobéissance alimentaire

Au début du mois de juillet 2021, les diététiciens du GDEA (Groupe des Diététiciens sensibilisés à l’Ecologie Alimentaire) ont reçu Monsieur Stéfane Guilbaud lors d’une réunion virtuelle en toute décontraction. Nous y avons vu l’opportunité de le présenter à l’ensemble des diététiciens, membres de l’UPDLF et développer son concept de « désobéissance alimentaire ».

Catherine Hans, diététicienne agréée licenciée en éducation à la santé, maître-assistante à la HEPH Condorcet.
Sophie Soëns, diététicienne agréée, ingénieur biochimiste, maître-assistante à la HEPH Condorcet.

Qui est Stéfane Guilbaud ?

Commençons par le présenter : Stéfane Guilbaud n’est ni diététicien, ni nutritionniste. Et, bon point pour lui, il ne prétend pas l’être.

Son parcours est plutôt atypique. Ayant longtemps travaillé dans les domaines de la communication et du marketing visuel, il décide de changer de cap pour devenir Formateur Professionnel sur le changement des comportements alimentaires.

Nous lui avons posé la question : c’est une prise de conscience globale sur la qualité de l’alimentation qui l’a amené à vouloir éduquer les consommateurs sur les pièges de la publicité. Cette prise de conscience se fait de plus en plus ressentir dans notre société mais la sienne date des années 2000. A cette époque, on en parlait mais sans y accorder beaucoup d’importance. Stéfane Guilbaud a alors utilisé ses compétences en marketing visuel pour aller au contact du grand public. Auteurs de plusieurs ouvrages, il participe également à de nombreux reportages en radio et télévision et continue à donner des formations et des conférences.

Fort de cette expérience, il nous a présenté le fruit de ses nombreuses années de lutte contre la malbouffe et de rencontres avec le grand public : la désobéissance alimentaire.

Pour comprendre où on va, il faut comprendre d’où l’on vient… (voir « Sapiens : Une brève histoire de l’humanité », ouvrage de Yuval Noah Harari publié aux éditions Albin Michel en 2015)

Tout changement de la dynamique humaine est constitué de nombreuses étapes. Il en est de même pour notre évolution alimentaire. Les grands bouleversements se sont joués à deux niveaux : l’offre alimentaire, qui n’a cessé de s’étendre, mais aussi la manière dont les groupes d’individus s’organisent pour produire leur nourriture.

Selon Stéfane Guilbaud, trois périodes charnières nous ont conduit à la situation actuelle.

Pour commencer, il faut remonter à la période Paléolithique, soit à plus de 3 millions d’années environ. Les premiers Hommes sont nomades, vivent en groupes restreints et se déplacent au gré des saisons. Malgré une quête de nourriture quasi permanente, ils n’étaient pas à la merci de mauvaises récoltes et de famines. L’histoire les qualifie de chasseurs-cueilleurs et chaque individu d’un groupe participe activement à la recherche de nourriture.

Pendant 40.000 ans, l’être humain n’a pas eu besoin de l’agriculture, ni de l’élevage, ni de l’industrie,

Or, l’agriculture n’a débuté qu’il y a 7.000 à 10.000 ans selon les régions : lorsqu’arrive la période du Néolithique, un réchauffement climatique bouleverse le milieu naturel, rendant la nourriture abondante, tant au niveau végétal qu’animal. L’Homme, progressivement, devient sédentaire et on constate l’apparition des premiers villages. (50 à 100 individus)

Ainsi nait l’Homme paysan, qui va permettre à l’agriculture de transformer complètement le rapport à la nourriture. Celle-ci se diversifie, se cultive ou s’élève et se stocke. Cette nouvelle abondance transforme l’organisation des groupes : certains individus sont maintenant dévolus à la production de nourriture quand d’autres s’occupent d’autres tâches.

L’homme devient dépendant de ses terres : nombreuses heures de travail dans des conditions difficiles et sans répit toute l’année, troubles musculo-squelettiques, maladies de promiscuités, apparition de la notion de propriétés, nécessité de gérer les cultures et d’éliminer les nuisibles. Nous voilà, déjà, dans le cercle vicieux de la croissance permanente de l’être humain sur terre. Il croît beaucoup plus rapidement que les ressources, ce qui, déjà à l’époque, l’oblige à chercher comment produire en plus grandes quantités.

La vie des paysans était donc nettement plus difficile que celle des chasseurs-cueilleurs. En effet, une fois passées les premières années d’abondances viennent les famines et surtout, l’impossibilité de se déplacer facilement vers de nouvelles sources de nourritures. C’est aussi à cette époque qu’augmentent la consommation de glucides et l’accès à profusion pour les aliments sucrés.

Le développement cognitif de l’être humain évolue également et amène la possibilité de développer un imaginaire (la réalité fictive), notamment via nos croyances. Celles-ci ont été essentielles pour agrandir les groupes et nous permettre de naître, de vivre et de mourir ensemble. L’organisation des groupes est de plus en plus évoluée (on peut parler de castes, ancêtres des actuels groupes sociaux-économiques). Le commerce et les banques remplacent petit à petit le troc, rendant les perspectives d’avenir beaucoup plus larges.  

Cette dynamique alimentaire autour de l’agriculture va traverser les époques telles que l’Antiquité, le Moyen-Âge ou encore la Renaissance ; chacune apportant des évolutions mais pas de réelle révolution.

Enfin, après les chasseurs-cueilleurs et les paysans-agriculteurs, ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que débute la troisième période charnière avec l’apparition de la science et des technologies dans la production de l’alimentation. Ces dernières ont apporté des solutions pour augmenter les rendements et les profits, par l’introduction des intrants et de la notion de propriété. D’un mode de subsistance, nous avons basculé vers un mode de collecte permanente, puis d’économie monétaire.

A partir des années 1970, le marketing s’est introduit dans les familles au travers de la télévision pour se substituer à l’autorité parentale. Et il n’a eu de cesse de grignoter de plus en plus de place jusqu’à son omniprésence actuelle.

Le marketing aujourd’hui

Quand on veut comprendre la dynamique qui se cache derrière le marketing alimentaire, il ne faut pas perdre de vue ce double constat.

Au niveau marketing, on a vu l’évolution suivante : la réclame jusque dans les années 70, ensuite la publicité, qui aujourd’hui ne vante plus un produit mais son « hyperbolisation paroxystique » complètement exagérée, parfois burlesque, véritable propagande qui met la pression sur les consommateurs et les parents. La génération des jeunes consommateurs sait distinguer le faux du vrai mais ils acceptent ces discours auxquels ils sont habitués. On arrive maintenant à pénétrer le cerveau des enfants via les tablettes et téléphones. Les publicitaires les accompagnent au-delà de ce que les parents peuvent faire, ce qui court-circuite l’éducation parentale. La publicité se veut l’amie des jeunes et des ados et ne va jamais chercher à les éduquer et encore moins à les punir.

La génération des 20 – 30 ans, ceux qui ont des enfants à l’heure actuelle, se retrouve tenaillée entre un système qui n’existe plus et un autre qui, selon des experts de plus en plus nombreux, n’est pas durable… et donc pas viable. Comment ne pas être anxieux face à de telles perspectives ?

Les 10 règles de la désobéissance alimentaire

Stéfane Guilbaud propose la désobéissance alimentaire pour réagir et éliminer les produits industriels. Celle-ci se décline en 10 astuces que nous allons vous présenter brièvement.

1 Le bon sens

Si l’on se pose les bonnes questions à l’achat d’un produit industriel, dans 9 cas sur 10, on le reposera. Pourquoi est-il si peu cher ? Si calibré ? Recouvert de panure ou d’épices ?

Cela peut sembler stupide de dire qu’il faut avoir du bon sens. Le consommateur n’est pas stupide mais le marketing met tout en œuvre pour inhiber notre logique : sous prétexte de nous rendre la vie plus facile, on nous râpe le fromage, on lave notre salade, on découpe nos pommes de terre, etc. Quel en est l’intérêt ?

Dans le même ordre d’idée, on peut citer l’exemple de la tomate. Celle-ci a besoin de souffrir, d’être agressée par le soleil, le vent et la pluie pour produire le lycopène, ce puissant anti-oxydant qui la défend. Mais quelle quantité de lycopène retrouvons-nous dans une tomate cultivée en serre ?

2 Désobéir

Stéfane Guilbaud refuse le dictat des recommandations officielles. Il regrette qu’on ait mis de côté la logique paysanne de nos aïeuls qui, eux, n’avaient pas besoin de l’industrie pour se nourrir.

Nous devrions apprendre aux consommateurs à refuser ce flot de désinformation marketing maquillée en conseils nutritionnels, surtout lorsqu’ils outrepassent le bon sens.

D’ailleurs, certaines tribus d’Afrique vous diront que « les blancs » ne mangent pas des aliments mais des produits.

Il faudrait apprendre à nos patients ou à nos enfants, à désobéir ou à refuser un ordre incohérent. Si quelque chose est contre nature ou en dissonance avec notre bienveillance et notre bien-être, il faut pouvoir le refuser.

3 Le grignotage

Certaines populations mangeaient 6 à 11 repas par jour sans problème de poids ou de maladies non transmissibles. On pense, par exemple, à l’île d’Okinawa. Grignotage ou prise de repas fragmentée ? Le grignotage est une invention culpabilisante, directement corrélée aux logiques industrielles.

Dans les grandes villes et les pays développés, on est constamment sollicités, tentés, principalement par des produits sucrés, à base de blé ou ultra-transformés. L’anti-grignotage par excellence, ce sont les fruits secs à glisser dans son sac ou dans sa poche.

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4 Les saisons

Il y a quatre saisons, ce n’est pas un hasard. Il faut les respecter, car ce cycle est nécessaire à notre bonne santé. L’hiver, tout se repose (la nature, le foie, l’estomac, …) et le sommeil est plus important… pour être en meilleure forme au printemps. L’été, on consomme des aliments gorgés d’eau comme la tomate rafraîchissante. L’industriel ne souhaite pas ce repos. Il préfère qu’on ait envie de tout… tout le temps.

Par exemple, dans les supermarchés, temples de la consommation, tout est fait pour ne pas se rendre compte des saisons : pas de fenêtre mais de la lumière artificielle, déconnexion de la nature pour qu’on achète les mêmes produits tout au long de l’année.

Mais plus on respectera les saisons, même chez les bouchers ou les poissonniers, plus on respectera notre corps et la planète. Les tomates bio vendues en hiver respectent le cahier des charges mais sont produites dans des serres surchauffées au pétrole nuit et jour, en Chine ou dans le sud de l’Europe par des immigrés aux conditions de vie plus que précaires.

5 Les produits locaux

L’industrie agroalimentaire travaille à grande échelle : monocultures, surexploitation, gros volumes, empreintes carbone et hydriques colossales. Rien à voir avec une production locale, souvent plus raisonnée… et durable. Les paysans, producteurs et artisans près de chez vous n’attendent que vous pour (sur)vivre.

Ne perdons pas de vue que des agriculteurs belges travaillent aussi en agriculture conventionnelle pour la grande distribution. Voilà pourquoi il est intéressant de se renseigner et de discuter avec ces professionnels qui nous nourrissent.

6 Privilégier les produits bruts

Un des meilleurs moyens de lutter contre les produits industriels est de se méfier des aliments dont on ne voit plus la structure originelle. Un poivre moulu, un thé broyé, une viande reconstituée sont autant de produits qui méritent d’être achetés entiers, bruts… bien identifiables et reconnaissables pour juger de la qualité et de sa réelle origine.

Chaque fois qu’un produit est vendu en poudre, le bon sens devrait nous pousser à nous demander ce que cela nous cache. Sans oublier que, si le produit n’est pas brut, il a été transformé, voir ultra-transformé et sa matrice est complètement déstructurée, réduisant ainsi fortement son intérêt nutritionnel.

7 Cuisiner

Cuisiner est le meilleur rempart contre la malbouffe et les produits industriels. La cuisine apporte une éducation complète à nos enfants : autonomie, esprit critique, technicité, responsabilité… et c’est, parait-il, un ciment du couple et de l’amour lorsqu’il est pratiqué à deux…

Elle émancipe nos enfants. En France le ministre de l’Education Nationale n’a jamais voulu intégrer les cours de cuisine à l’école car ce n’est pas une priorité mais c’est, surtout, une menace pour l’industrie agroalimentaire. Toutes les expériences menées par Jamie Oliver en Angleterre et aux USA ont montré que, quand un enfant cuisine, il sait le faire, il apprécie le goût et découvre que ce qu’on lui vend n’est pas fait de la même façon. Ça les dégoûte souvent, comme pour les nuggets.

De plus, les enfants qui ont été initié à la cuisine y reviendront une fois qu’ils entreront dans la vie adulte (la période de l’adolescence pouvant parfois être plus délicate).

8 L’éducation

Le repas du soir ne doit pas être confié aux géants de l’agroalimentaire. Le retour au foyer est symbole d’échange et de partage. Manger des choses simples, faites « maison » sans intrusion de l’industrie. Éduquer un enfant à échapper aux produits industriels c’est lui donner un esprit libre et critique fort. C’est en fait un citoyen d’un monde, citoyen du monde.

9 La transmission

Informer, c’est transmettre un savoir. Une des meilleures façons d’éliminer les aliments industriels est de transmettre à nos enfants les réflexes de simplicité mais aussi le rejet de la facilité. Leur intelligence fera le reste car, rappelez-vous, le consommateur n’est pas stupide.

Attention par contre à la transmission d’informations sponsorisées par l’industrie agroalimentaire. Combien de kits nutritionnels gratuits ne contiennent pas d’échantillon de produits ou de bons de réduction offerts par de grandes marques industrielles ?

10 Le questionnement

Trop de consommateurs n’osent pas questionner un commerçant, un producteur.

Or, le questionnement, s’il est bienveillant et courtois, amène un véritable échange. Les producteurs investis s’empresseront de vous répondre, car ils aiment parler de leur métier, de leur passion. Un commerçant désagréable qui vous envoie balader n’inspire pas confiance. Parfois, ça n’est pas la réponse qui compte mais la manière dont elle est donnée.

Conclusion

Avec la pandémie, le marketing traditionnel n’a plus le même avenir. Très flexible, il est en train de changer pour continuer d’influencer même quand le monde est à l’arrêt. Les premiers visés sont les enfants : la publicité les abrutit. Stéfane Guilbaud pense que le retour de manivelle sera dantesque, notamment auprès des jeunes qui n’auront pas appris la frustration et le refus.

Quant aux experts et écologistes qui tentent d’alerter le grand public, ils sont souvent menacés, dénigrés au point que certains finissent par jeter l’éponge. L’industrie et les lobbies jouent beaucoup sur le principe du doute car il est très difficile de prouver des liens nocifs sur le long terme.

Au carrefour de notre Histoire et de la situation telle que nous la connaissons ici et maintenant, Stéfane Guilbaud prêche pour la désobéissance alimentaire. Chacun, à son niveau, pose des choix qui, s’ils sont multipliés par un nombre important d’individus, finiront par avoir un impact majeur.

L’être humain doit maintenant choisir entre la prospérité et la sérénité, la première étant de plus en plus difficile à atteindre, un nombre croissant de personnes font le choix de la sérénité… De là à parler de simplicité, de tranquillité d’esprit et de bonheur, il n’y a qu’un pas… qu’avec le GDEA, nous franchissons sans hésiter.

Pour en savoir plus sur Stéfane Guilbaud, consultez www.stefaneguilbaud.com

A paraître à l’automne 2021 : « L’urgence de la désobéissance alimentaire »

Livres recommandés

« Lobbying de l’agroalimentaire et normes internationales » Le cas du Codex Alimentarius Maryvonne Lassalle-de Salins, Éditions Quæ, mars 2012

 

« L’Empire de l’or rouge » Jean-Baptiste Malet, enquête mondiale sur la tomate d’industrie, 2017 Essai, Broché

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