Selon la littérature, l’espérance de vie des personnes souffrant de troubles psychiatriques est réduite par rapport à celle de la population générale. Cela est dû, notamment, aux comorbidités somatiques telles que les maladies cardiovasculaires, métaboliques ou encore le diabète. Devant les chiffres recensés dans la littérature, une prise en charge hygiéno-diététique dans le domaine psychiatrique s’avère être une nécessité malgré les freins relatifs à celle-ci.
Marine Systermans, diététicienne agréée, co-coordinatrice du GDPsy TCA (UPDLF), diététicienne indépendante
La prévalence des maladies somatiques chez les patients souffrant de troubles mentaux n’est actuellement pas chiffrée en Belgique. Toutefois, la littérature scientifique met en évidence, dans la population atteinte d’un trouble psychiatrique, une espérance de vie réduite de 13 à 30 ans par rapport à la population générale et un taux de mortalité 3 à 5 fois supérieur. Cette surmortalité est expliquée, dans 60% des cas, par des comorbidités somatiques (diabète, maladies cardiovasculaires, dyslipidémies, etc.). Ces constatations mettent en évidence l’importance de considérer, dans les milieux de soins, l’être humain dans son ensemble c’est-à-dire selon les trois dimensions qui le caractérisent : le corps, l’âme et l’esprit. Les soins prodigués ne peuvent donc être réduits à la prise en charge du seul trouble psychiatrique.
Les difficultés de prise en charge des pathologies somatiques s’expliquent par différents paramètres dont l’accès limité aux soins (pauvreté, isolement, etc.), l’altération du schéma corporel, la stigmatisation, la dissociation, le manque de connaissances, les fausses croyances, etc. La spécificité ainsi que la complexité de ces prises en charge peuvent constituer un frein pour certains professionnels de santé.
Il existe aussi des freins puissants liés aux pathologies traitées. Dans le cas de lourdes problématiques de santé mentale, certains mécanismes de défense à l’œuvre (tels que le déni, le clivage, la projection, etc.) sont puissants notamment lorsque le patient souffrant de psychose lutte contre l’angoisse de morcellement.
La prévention hygiéno-diététique via l’éducation nutritionnelle, en pédopsychiatrie, prend tout son sens face aux observations citées ci-dessus. En effet, sur le court terme, cela permet d’assurer, chez les enfants et les adolescents, une croissance optimale via des apports nutritionnels adaptés et contribue au développement d’un comportement alimentaire adéquat. La place centrale de l’alimentation et du comportement alimentaire au sein du développement de tout être humain n’est pas à négliger d’autant plus chez des sujets potentiellement traumatisés. Sur le long terme, cela favorise, notamment, l’autonomisation du patient, la lutte contre la sédentarité et diminue les facteurs de risques des maladies non transmissibles liées, en partie, à l’alimentation.
Le recours indispensable, dans les milieux de soins pédopsychiatriques, à des diéticien·ne·s spécalisé·e·s permettrait de mener à bien la psychoéducation relative à l’alimentation via des ateliers, des séances d’informations ludiques ou encore des groupes de paroles. La sensibilisation des proches et des équipes de soins est tout aussi intéressante et essentielle. En parallèle à cela, un suivi somatique pluridisciplinaire durant les séjours d’hospitalisation via des entretiens individuels aurait un impact positif sur l’état de santé physique du patient, le physique et le psychique étant indissociables tel que mentionné dans le premier paragraphe.
L’introduction de soins diététiques au sein des institutions de santé permettrait d’aller à l’encontre des fausses croyances qui véhiculent la « diabolisation » de certains aliments auprès des enfants et des adolescents (risquant d’entrainer un mal-être psychique). Le comportement alimentaire ainsi que la relation à l’alimentation pourraient être évalués et adaptés, les troubles psychiatriques étant souvent accompagnés de difficultés à ce niveau-là.
Les différents éléments cités témoignent de l’importance des prises en charge pluridisciplinaires au sein des institutions psychiatres. La collaboration entre les différents professionnels de santé permet de prendre soin de l’individu dans sa globalité, ce qui est une nécessité absolue.
Article réalisé suite à la présentation d'un exposé lors de la 19e journée d'étude de l'UPDLF.