Les médicaments administrés pour traiter des troubles psychologiques ou psychiatriques ont chacun leurs spécificités. Même si ce n’est pas automatique, ils occasionnent souvent une prise de poids. Le GDP vous propose un tour d’horizon des différentes médications et des repères pour la prise en charge diététique des patients suivis en service de psychiatrie.
Article collectif du Groupement des Diététiciens travaillant en Psychiatrie (GDP)
Le GDP, Groupement des Diététiciens travaillant en Psychiatrie, a été créé en 2012 par Aurélie Fraikin, diététicienne à l’Hôpital Psychiatrique du Beauvallon et Dominique Nosbusch, diététicienne à la Clinique Sans Souci. Il concerne 11 institutions wallonnes et luxembourgeoises. Ses participants, membres de l’Union Professionnelle des Diététiciens de Langue Française (UPDLF), sont employés en institution psychiatrique ou dans des services de psychiatrie d’hôpitaux généraux. Les réunions sont organisées 3 à 4 fois par an selon les projets.
Les objectifs de ces rencontres sont multiples. Outre le partage de connaissances, d’expériences et d’informations, des protocoles communs sont également réalisés afin de tenir la même ligne de conduite pour la prise en charge des patients psychiatriques. En effet, celle-ci est très spécifique, due à leurs comportements et leurs médications. Peut-être aussi, pourra-t-on arriver à réglementer un jour le nombre de diététiciens par lit dans ces unités, ou en tout cas les rendre indispensables.
Le GDP a rédigé un fascicule regroupant les médicaments utilisés dans le secteur psychiatrique en se basant sur le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) – qui a relu et validé le travail du GDP – et sur le Drug Information Handbook. Ces traitements sont classés en 3 types : les antipsychotiques, les antidépresseurs et les thymorégulateurs. L’outil recueille les effets secondaires importants d’un point de vue digestif et métabolique. Cette brochure vient d’être mise à jour en mai 2022 et sera actualisée tous les deux ans. Elle est destinée à tous les diététiciens mais aussi aux psychiatres, aux assistants, au personnel de nursing et aux paramédicaux des différentes institutions. Son objectif est de sensibiliser les intervenants psychiatriques aux effets secondaires souvent importants et sous-estimés de certains traitements. Cette brochure est disponible gratuitement sur le site de l’UPDLF ou peut être achetée au prix de 1 €.
Les antipsychotiques sont indiqués en cas de schizophrénie, de psychose, de troubles bipolaires, de troubles de la personnalité, etc. La première génération ou antipsychotique typique, comme l’Haldol©, avait beaucoup d’effets secondaires désagréables qu’on appelait symptômes extrapyramidaux/parkinsoniens (marche saccadée, tremblements, hypersalivation). Ils ont été progressivement remplacés par des molécules de seconde génération ou antipsychotiques atypiques, comme le Zyprexa ©, le Risperdal© ou le Seroquel©. Ces derniers ne provoquent presque plus d’effets extrapyramidaux mais déclenchent à des fréquences variables une prise de poids plus ou moins importante, le développement d’un diabète de type 2 et l’apparition du syndrome métabolique1. Tous les antipsychotiques (1ère ou 2ème génération) se lient à des récepteurs hormonaux qui ont une incidence sur le métabolisme. Leur mode d’action neuropharmacologique est complexe et hétérogène. Les molécules des 2 générations agissent en bloquant la dopamine, la D2. Les substances de deuxième génération inhibent également la 5HT2A (sérotonine) ce qui déclenche la prise de poids et l’augmentation du risque de développer un diabète de type 2. Ils bloquent aussi les récepteurs H1 (histaminergique) et par ce biais augmentent l’appétit et la somnolence, ce qui diminue l’activité physique de ces patients et indirectement aggrave encore leur prise de poids. Enfin, ils augmentent la leptine circulante, hormone peptidique qui contrôle l’appétit et l’homéostasie. Si elle est présente en trop grande quantité, elle aura l’effet inverse et dérégulera l’appétit.
– Il est recommandé de « varier les espèces et les origines11» mais aucune précision n’est faite sur le nombre d’espèces différentes qu’il faudrait consommer sur l’année, ni sur les origines à favoriser : s’agit-il de la zone de pêche ou du mode de production ?
– Aucune référence n’est faite à la saisonnalité de la consommation de poisson en regard de leurs cycles de reproduction
– Seul le label durable MSC est abordé, pourtant difficilement fiable12
– Il n’est pas envisagé de jouer sur les apports en oméga-6 et 3 végétaux pour moduler la synthèse d’EPA et de DHA par le corps. Une proposition est faite pour les végétariens : manger des œufs de poules nourries aux graines de lin13.
Les antidépresseurs sont recommandés en cas de dépression, de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), de boulimie, d’anxiété, d’insomnie, d’attaques de panique, de traitement de la douleur chronique et de syndrome de stress post-traumatique. Le mécanisme d’action des antidépresseurs consiste en un blocage des récepteurs 5HT (sérotoninergiques), NA (noradrénergiques) et H1 (histaminiques). La prise de poids est possible, sans être nécessairement sévère, il y a peu de perturbation sur les glycémies et peu de risque de dyslipidémies.2
Les recommandations qui ont été établies pour le poisson, indiquent qu’il faudrait manger 2 fois 100 g de poisson par semaine, en alternant poisson gras et poisson maigre. De plus, le poisson consommé doit être issu de la pêche durable14.
Les thymorégulateurs sont prescrits, quant à eux, en cas d’épilepsie, de troubles maniaques et dans le traitement de la douleur chronique. Certains antiépileptiques sont utilisés comme thymorégulateurs, c’est à dire des régulateurs d’humeur. Le mécanisme d’action de ce traitement a lieu au niveau des récepteurs GABA qui ont une incidence sur les récepteurs 5HT (sérotoninergiques). La prise de poids est possible, voire fréquente, et il peut y avoir une perturbation de la glycémie.3
Il faut garder à l’esprit que le traitement est décidé et mis en place par le psychiatre et que s’il convient bien au patient, c’est la priorité. Il est important pour la diététicienne d’avoir une vue d’ensemble sur le traitement et les données médicales avant de rencontrer le patient. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il y a une tolérance individuelle du patient face à son traitement. Par exemple, un médicament qui stimule l’appétit et engendre une prise de poids chez un patient bipolaire ne fera pas grossir une anorexique.
La lutte contre le syndrome métabolique est l’objectif essentiel lors d’une prise en charge nutritionnelle. L’apparition d’un ou de plusieurs marqueurs du syndrome métabolique est le signe d’un risque cardiovasculaire important, même si le BMI est correct. Ces marqueurs sont les suivants :
Si les patients ne sont pas pris en charge, d’autres pathologies risquent d’apparaître : les apnées du sommeil, les cancers, les douleurs articulaires (conséquence de l’excès de poids) ainsi que la stéatose hépatique d’origine non alcoolique (due au remplacement de l’alcool par de grandes quantités de boissons sucrées). La qualité de vie de ces personnes s’en trouve altérée.
La prise en charge nutritionnelle de ces patients consiste d’abord à les déculpabiliser : ils ne sont pas responsables de leur prise de poids et doivent continuer leur traitement médicamenteux. Dans un premier temps, le diététicien va les aider à stabiliser leur poids. Pour cela, il est indispensable de travailler en équipe pluri/interdisciplinaire afin de corriger certains comportements alimentaires et d’encourager l’activité physique. Les conseils sont élémentaires : 3 à 4 repas par jour, manger lentement, s’hydrater correctement et s’organiser depuis la gestion des courses jusqu’à la préparation des repas. Le patient réapprend les sensations alimentaires que sont la faim, la satiété, l’envie. On peut l’informer et travailler sur les causes des envies : les émotions liées à la tête (colère, stress, contrariété, etc.) nous attirent vers les aliments croquants (chips, morceaux de chocolat, biscuits secs, etc.), les sentiments liés au cœur (tristesse, cafard, solitude, …) nous orientent vers les aliments mous (gâteaux, crème glacée, lasagne, etc.).4 On travaille également avec des repères concrets : une assiette-type, une journée alimentaire structurée, la pyramide alimentaire, la goutte des boissons, etc. Les objectifs de la prise en charge sont simples et réalistes.
En conclusion, face à un patient sous traitement psychiatrique, il est du devoir du diététicien de le prévenir des effets secondaires possibles de ce traitement, de l’aider avec empathie et bienveillance, en lui donnant des conseils simples et personnalisés. Une prise en charge efficace nécessite une bonne communication interdisciplinaire. Il faut aussi espérer que la recherche continue et que ces médicaments indispensables pour certains, puissent être améliorés et leurs effets secondaires réduits.
Bibliographie
1/ doi : https://doi.org/10.2337/diacare.27.2.596
2/ Retrieved from : http://www.chups.jussieu.fr/polys/pharmaco/poly/POLY.Chp.15.9.html
3/ Retrieved from : http://www.farm.ucl.ac.be/FARM2133/2010-2011/Hermans/03-Depression_2010.pdf
4/ Retrieved from https://www.therapie-comportementale.net/maigrir-etait-question-demotions/
Pour en savoir plus sur la lutte contre la restriction cognitive : Gérald Apfeldorfer « Mangez en paix » aux éditions Odile Jacob, 2008