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20e Journée d’étude | 22/02/2024 | Lumière sur la santé intestinale

Les fibres dans tous leurs états …

Les fibres alimentaires regroupent un ensemble hétérogène de polysaccharides caractérisés par leur résistance aux enzymes digestives. Faisons plus ample connaissance avec ces glucides complexes principalement présents dans les aliments d’origine végétale.

Delphine Brees, diététicienne, diététicienne clinique – CHU Brugmann
Aurore Collignon, diététicienne, cheffe du service diététique - Citadelle Liège

Les fibres alimentaires sont « des polymères glucidiques composés de minimum trois unités monomériques d’hexose, qui ne sont ni digérés ni absorbés dans l’intestin grêle ». [1] Ce terme englobe les polysaccharides (cellulose, hémicellulose, pectine, b-glucane, inuline), les oligosaccharides (fructo-oligosaccharide, galacto-oligosaccharide), l’amidon résistant, la lignine et les substances de plantes associées (polyols, gommes, mucilages, psyllium, sterculia).

Des fibres synthétiques sont parfois intégrées dans les produits industriels mais doivent avoir démontré un effet fonctionnel bénéfique sur la santé. [2,3]

Les fibres non absorbées dans l’intestin grêle se retrouvent dans le côlon où la plupart des composés sont fermentés par les bactéries du microbiote intestinal. [4]

Caractéristiques des fibres

Les aliments sources contiennent un mélange de fibres en proportion variable. Elles sont caractérisées par leur solubilité et fermentescibilité.

Solubilité

Les fibres sont dites solubles lorsqu’elles se solubilisent dans l’eau. Certaines ont la capacité de former un gel. Cette caractéristique joue un rôle dans le ralentissement de la vidange gastrique et donne une consistance aux selles influençant peu le volume des selles. Ces fibres ont une grande capacité d’absorption d’eau.

Les fibres insolubles ont une moindre capacité d’absorber l’eau limitant sa réabsorption. Elles augmentent le volume et la consistance fécale.

Elles sont plus irritantes pour la muqueuse intestinale augmentant la sécrétion de mucus, le péristaltisme et la vitesse de transit intestinal. [2,5,6,7,8]

Fermentescibilité

Toutes les fibres solubles sont fermentescibles mais pas l’inverse. Une fibre est qualifiée de fermentescible lorsqu’elle est fermentée par le microbiote intestinal et produit des acides gras à chaine courte (AGCC) et des gaz.

Les fibres fermentescibles peuvent avoir pour effet un inconfort abdominal voire des douleurs, des flatulences et des ballonnements. [9]

Quant à l’amidon résistant, il en existe plusieurs types ayant chacun leur résistance propre sur la digestion. [2]

Table 1 : Summary of the physiological effects of different types of fiber [3]

Transformation des fibres

Le processus de transformation des denrées alimentaires peut influencer leur teneur en fibres.

Le procédé de broyage va affecter la matrice cellulaire de l’aliment, et ainsi réduire sa capacité à absorber l’eau. A l’inverse, l’avoine aura une surface d’absorption augmentée.

Le raffinage va ôter l’enveloppe du grain de la céréale, et donc d’une partie de ses fibres, en particulier insolubles.

La fermentation va faire intervenir des enzymes qui vont dégrader la paroi cellulaire et donc réduire la teneur en fibres.

Le mûrissement des fruits va induire une solubilisation de la pectine et de la cellulose.

Le pressage des fruits et des légumes va fortement diminuer leur teneur en fibres insolubles, laissant une petite quantité de pectine et de fibres insolubles.

La congélation n’a pas montré d’effets significatifs sur la teneur en fibres des aliments.

La cuisson des aliments aura, en revanche, un effet plus ou moins important sur la teneur en fibres des aliments en détruisant une partie de

leur structure. Elle diminue la viscosité, augmente la fermentescibilité et solubilise les fibres insolubles. [2]

Effets bénéfiques des fibres

En plus de leur effet mécanique, les fibres modulent le microbiote intestinal. Leur consommation influence positivement la flore bactérienne grâce à leur effet prébiotique.

Leur fermentation participe à la récupération énergétique par la production d’acides gras à chaine courte au niveau colique. Elles participent au maintien de l’intégrité de la barrière intestinale et d’un système immunitaire sain. [10]

Table 2 : Effets bénéfiques des fibres

Recommandations

Chez l’adulte, il est recommandé de consommer 25 à 30 g de fibres par jour.

Lors de certaines situations cliniques, la quantité de fibres peut se voir réduite. Dans leur publication de 2019, la SFNCM et l’AFDN se positionnent quant à la mise en place d’une alimentation thérapeutique « pauvre en fibres stricte » (10 à 14 g/j de fibres) et « pauvre en fibres » (15 à 20 g/j de fibres). Une alimentation inférieure à 10 g/j de fibres n’a pas fait ses preuves d’un bénéfice thérapeutique ou diagnostique supplémentaire.

L’alimentation pauvre en fibres stricte admet les jus de fruits sans pulpe, les pommes de terre sous toutes les formes, le pain blanc, le lait et les dérivés du lait. Toutefois, les céréales complètes, les légumes et les fruits sont exclus.

Il est recommandé de réserver l’alimentation pauvre en fibres stricte à visée thérapeutique dans les sténoses intestinales symptomatiques ; à visée diagnostique dans certaines explorations digestives (type coloscopie, colo-scanner, entéro IRM. . .) ou à visée symptomatique.

Elle permet de réduire le volume des selles, l’émission de gaz et la vitesse du transit.

L’alimentation pauvre en fibres est un niveau intermédiaire entre l’alimentation pauvre en fibres stricte et standard.

Elle intègre, outre les jus de fruits sans pulpe, les légumes et fruits dont la teneur en fibres est inférieure à 3 g/100 g tout en continuant à exclure les céréales complètes, les légumineuses et les fruits secs. Les matières grasses d’assaisonnement ne sont pas limitées.

L’alimentation pauvre en fibres peut être indiquée dans un objectif thérapeutique pour des pathologies nécessitant un niveau de restriction en fibres modéré, telle une sténose intestinale peu ou pas symptomatique ou une gastroparésie. Elle peut être également indiquée à visée symptomatique lors de l’élargissement d’une alimentation pauvre en fibres stricte, et par ailleurs en réalimentation digestive. Elle vise à préserver le confort digestif tout en limitant les restrictions, et donc à améliorer les ingesta.

Ces alimentations thérapeutiques doivent être adaptées à la tolérance individuelle et réévaluées.

Elles n’engendrent pas de risque nutritionnel majeur à condition d’être prescrites pour une courte période et sous la supervision d’un diététicien. [3,11]

Allégations de santé

Le règlement (CE) N o 1924/2006 du parlement européen et du conseil du 20 décembre 2006 clarifie les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.

« Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est une source de fibres, ou toute autre allégation susceptible d’avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au moins 3 g de fibres par 100 g ou au moins 1,5 g de fibres par 100 kcal ».

« Une allégation selon laquelle une denrée alimentaire est riche en fibres, ou toute autre allégation susceptible d’avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si le produit contient au moins 6 g de fibres par 100 g ou au moins 3 g de fibres par 100 kcal ».

Fibres et hydratation

Comme le rappelle la National Institute of Clinical Excellence, il faut boire au moins 8 verres par jour en favorisant l’eau et les boissons non caféinées. [12]

Une hydratation adéquate est nécessaire au fonctionnement des fibres alimentaires, et indispensable pour pouvoir bénéficier de leurs effets positifs.

Conclusion

L’intérêt pour les fibres alimentaires est grandissant. Les dernières recherches mettent en lumière de nombreux effets bénéfiques pour ces fibres qui n’ont pas fini de dévoiler tous leurs secrets.

Outre les recommandations de consommation pour la population générale, les sociétés savantes ont permis l’harmonisation de la terminologie et l’indication des alimentations pauvre en fibres stricte et pauvre en fibres.

Souvent mises en place à des fins symptomatiques, ces alimentations thérapeutiques doivent être limitées dans le temps pour éviter le risque nutritionnel qu’elles pourraient engager à plus long terme.

Le rôle du diététicien est indispensable pour leur personnalisation, leur adaptation à la tolérance individuelle du patient et leur réévaluation régulière.

Références :

1/ Règlement (UE) n o 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, Pub. L. No. 32011R1169, 304 OJ L 18 (2011).

https://eur-lex.europa.eu/legalcontent/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32011R1169&rid=1

 

2/ Denies, L. (2020). Amélioration de la littératie en santé de patients atteints de polypose adénomateuse familiale ou syndrome de Lynch après une chirurgie colorectale : mutualisation de l’expertise de professionnels de santé et de l’expérience des patients [Travail de fin d’études]. Institut Paul Lambin (HE Vinci).

 

3/ Makharia, G., Gibson, P., Bai, J., Crowe, S., Karakan, T., Lee, Y. Y., McNamara, L., Muir, J., Oruc, N., Quigley, E., Sanders, D., Tuck, C., Yurdaydin, C., & LeMair, A. (2018). Diet and the Gut. https://www.worldgastroenterology.org/guidelines/global-guidelines/diet-and-the-gut

 

4/ Vanhauwaert, E., Matthys, C., Verdonck, L., & De Preter, V. (2015). Low-Residue and Low-Fiber Diets in Gastrointestinal Disease Management. Advances in Nutrition, 6(6), 820-827. doi:10.3945/an.115.009688

 

5/ Anderson, J. W., Baird, P., Davis, R. H., Ferreri, S., Knudtson, M., Koraym, A., Waters, V., & Williams, C. L. (2009). Health benefits of dietary fiber. Nutrition Reviews, 67(4), 188-205. doi:10.1111/j.1753-4887.2009.00189.x

 

6/ El-Salhy, M., Ystad, S. O., Mazzawi, T., & Gundersen, D. (2017). Dietary fiber in irritable bowel syndrome (Review). International Journal of Molecular Medicine, 40(3), 607-613. doi:10.3892/ijmm.2017.3072

 

7/ Melchior, C., Maccarone, M., Lemaitre, C., & Ducrotté, P. (2015). Que reste-t-il en 2015 des régimes en hépatogastroentérologie ? Nutrition Clinique et Métabolisme, 29(2), 101-108. doi:10.1016/j.nupar.2015.03.002

 

8/ Zhu, Y., Hsu, W. H., & Hollis, J. H. (2013). The Impact of Food Viscosity on Eating Rate, Subjective Appetite, Glycemic Response and Gastric Emptying Rate. PLoS ONE, 8(6), e67482. doi:10.1371/journal.pone.0067482

 

9/ El-Salhy, M., Ystad, S. O., Mazzawi, T., & Gundersen, D. (2017). Dietary fiber in irritable bowel syndrome (Review). International Journal of Molecular Medicine, 40(3), 607-613. doi:10.3892/ijmm.2017.3072

 

10/ The Crohn’s Disease Exclusion Diet: A Comprehensive Review of Evidence, Implementation Strategies, Practical Guidance, and Future Directions; Rotem Sigall Boneh, et al., Inflammatory Bowel Diseases, 2023, XX, 1–15.

https://doi.org/10.1093/ibd/izad255 Advance access publication 18 November 2023

 

11/ Vaillant, M.-F., Alligier, M., Baclet, N., Capelle, J., Dousseaux, M.-P., Eyraud, E., Fayemendy, P., Flori, N., Guex, E., Hennequin, V., Lavandier, F., Martineau, C., Morin, M.-C., Mokaddem, F., Parmentier, I., Rossi-Pacini, F., Soriano, G., Verdier, E., Zeanandin, G., & Quilliot, D. (2019). Recommandations sur les alimentations standard et thérapeutiques chez l’adulte en établissements de santé. Nutrition Clinique et Métabolisme, 33(4), 235-253. doi:10.1016/j.nupar.2019.09.002

 

12/ Irritable bowel syndrome in adults: diagnosis and management Clinical guideline. Published: 23 February 2008. www.nice.org.uk/guidance/cg61 NICE 2021.

Last updated 4 April 2017

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