La diverticulose et la diverticulite sont des pathologies fréquentes et couteuses. Des études ont montré que le cout de ces pathologies peut dépasser 2 milliards de dollars par an aux USA.1
Elodie Lecourt, diététicienne agréée, chef du service diététique pour Epicura
Amandine Szalai, diététicienne agréée, chef adjointe Hôpital Erasme
Diététiciennes du GDGE
La diverticulite se définit comme pathologie inflammatoire des diverticules – hernies de la muqueuse colique se développant avec l’âge. Cette inflammation donne lieu à divers symptômes comme la fièvre, les douleurs abdominales inhabituelles et intenses, saignements rectaux, etc. pouvant aller dans les cas les plus extrêmes jusqu’à la perforation sous forme d’abcès (dite couverte) ou de péritonite.
La causalité de cette pathologie résulterait de l’hypothèse d’un manque d’un apport de fibres dans l’alimentation entrainant une stagnation des selles de petits calibres dans le colon provoquant ainsi une hyper pression sur la muqueuse colique. Cela semblait être un facteur de risque pouvant entrainer une hernie dans la muqueuse colique. Le traitement de choix dans la cadre de la diverticulite était les antibiotiques et la chirurgie.
Depuis ces dernières années, au vu de la prévalence de cette pathologie, de nombreuses recherches et publications ont émergé sur le sujet.
Nous pouvons distinguer trois temps dans la prise en charge nutritionnelle :
1.
2.
3.
Tout d’abord la prévention primaire afin de diminuer les facteurs de risque d’apparition de la diverticulite.
Ensuite, les conseils alimentaires afin d’améliorer le confort digestif et de limiter les complications pendant la crise.
Pour terminer les recommandations alimentaires en prévention secondaire afin de diminuer le risque de récidive de diverticulite.
Concernant la prévention primaire, des études de cohorte prospective ont montré le lien entre fibres et maladies diverticulaires2.
Une étude a montré qu’un apport de fibres de 28 g/j diminue le risque de diverticulose de 25 % chez les femmes. Chez les hommes, un apport de 32 g/j de fibre diminue le risque de 21 % et un apport de 40 g de fibres/j diminue le risque de 39%.3 Une autre étude chez 50 019 femmes a montré une réduction de la diverticulite de 13 % avec un régime à 25 g de fibres/j par rapport à un régime à 18g/j. Cette publication a montré une diminution des risques surtout avec la consommation de fruits (en particulier les pommes, les poires et les prunes)4.
L’explication probable proviendrait de l’effet bénéfique des fibres sur la motilité colique en diminuant ainsi la pression intraluminale.5, 11 Les fibres peuvent jouer également un rôle dans la prévention de l’inflammation probablement médiée par le microbiote intestinal.6, 12
Les facteurs protecteurs sont donc un régime riche en fibres produisant par fermentation colique des acides gras à chaines courtes. Ces derniers ayant un effet trophique sur la muqueuse en renforçant son rôle de barrière (augmentation de la production de mucus, renouvellement cellulaire, etc.). Les fruits, les céréales complètes, les noix, les graines et les pop-corn sont également des facteurs favorables à une diminution du risque.1, 7
Par contre, les facteurs aggravants sont le régime dit occidental, l’obésité et l’inactivité physique. Ces modes de vie auraient un impact sur la diversité du microbiote intestinal altérant ses fonctions (ex : plus de translocation bactérienne). La viande rouge est pro-inflammatoire car elle contient de l’hème, toxique pour la muqueuse colique. Le tabac, l’alcool et un niveau bas de vitamine D sont également des facteurs aggravants.
Les conseils alimentaires lors de la crise diverticulaire ne sont pas clairs et il y a un manque de données objectives. Au Pays-Bas, une étude de cohorte prospective sur 86 patients, diagnostiqués avec une diverticulite non compliquée, avait pour objectif de déterminer si un régime sans restriction était sans danger. Ces patients avaient comme consigne une alimentation sans restriction, les patients mangeaient selon leur tolérance digestive. Les résultats de cette étude ont montré que seul 7 patients ont eu des événements sérieux (3 chirurgies et 4 réadmissions pour douleurs ou récidive). Pour un premier épisode de diverticulite non compliqué, sans antibiotique, une alimentation sans restriction alimentaire apparaît comme sans danger. En effet, l’incidence des complications est la même chez ces patients que décrite dans la littérature.8
Une méta analyse a été réalisée sur 8 études sélectionnées comparant un régime libéralisé versus un régime avec restrictions (avec ou sans antibiotique). Cette revue a permis de mettre en évidence les complications et le devenir des patients après ces 2 régimes. L’analyse des études a montré qu’il n’y avait pas de différence entre les 2 régimes que ce soit au point de vue du risque de récidives ou de l’échec du traitement.9 Cependant, suite à la faible qualité des études, ces recommandations peuvent évoluer.
En France, selon les dernières recommandations (2017), l’HAS recommande une alimentation non restrictive pour une diverticulite non perforée si elle est bien tolérée.10
Un article récent (2019) paru dans Gastroenterology recommande de mettre le patient sous régime liquide clair ou pauvre en fibres pendant 2 à 3 jours. Rien ne stipule dans l’article la poursuite de ces restrictions jusqu’à la colonoscopie pendant 6 à 8 semaines.1
Pour terminer, en prévention secondaire afin de prévenir la survenue d’une diverticulite, l’HAS ne recommande aucun régime. Il est recommandé de ne pas contre-indiquer les fruits à coques, le blé, le maïs, le pop-corn.10
Ainsi, au sein du Groupe de Diététiciens en Gastro-Entérologie (GDGE), nous avons tenu compte de ces recommandations pour la rédaction de conseils alimentaires. Nous avons créé une fiche pour les maladies diverticulaires, ainsi que revu nos fiches concernant l’alimentation « pauvre en fibres stricte » et « pauvre en fibres ». Ces fiches se sont basées également sur les recommandations de la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNCM) sur les alimentations standard et thérapeutiques chez l’adultes en établissement de santé.13 Autre notion intéressante de ce travail est le changement de terminologie, l’intitulé de l’alimentation « pauvre en fibres » et « pauvre en fibres stricte » remplacent les termes : régimes : « sans résidu », « sans résidu strict », « pauvre en résidus », « épargne digestive », « sans déchet », « léger » car toute alimentation entraine des résidus (ex : lactose, fructose, etc.).
Ces conseils alimentaires « pauvre en fibres » peuvent être donnés au patient en fonction des complications. Sans complication, les conseils peuvent être adaptés en fonction de la tolérance digestive du patient.
Références :
1/ Strate, L., Morris, A. (2019). Epidemiology, pathophysiology, and treatment of diverticulitis. Gastroenterology, 156 (5), 1282-1298, doi:10.1053/j.gastro.2018.12.033
2/ Crowe, F.L., Balkwill, A., Cairns, B., Appleby, P., Green, J., Reeves, G., (…), Beral, V. (2014). Source of dietary fibre and diverticular disease
incidence: a prospective study of UK women. Gut, 63, 1450–1456. doi:10.1136/gutjnl-2013-304644
3/ Mahmood, W., Abraham-Nordling, M., Hakansson, N., Wolk, A. & Hjern, F. (2019). High intake of dietary fibre from fruit and vegetables reduces the risk of hospitalisation for diverticular disease. Eur J Nutr, 58 (6), 2393-2400. doi:10.1007/s00394-018-1792-0
4/ Wenjie Ma, W., Nguyen, L., Song, M., Jovani, M., Liu, P.H., Cao, Y., (…), Chan, A. (2019). Intake of Dietary Fiber, Fruits, and Vegetables and Risk of Diverticulitis. Am J Gastroenterol, 114 (9), 1531-1538. doi: 10.14309/ajg.0000000000000363
5/ Strate, L. (2012). Diverticular disease as a chronic illness: evolving epidemiologic and clinical insights. Am J gastroenterol, 107 (10), 1486-93. doi:10.1038/ajg.2012.194
6/ Kuo, S.M. (2013). The interplay between fiber and the intestinal microbiome in the inflammatory response. Adv Nutr, 4 (1), 16-28. doi: 10.3945/an.112.003046
7/ Strate, L., Keeley, B., Cao, Y., Wu, K., Giovannucci, E. & Chan, A. (2017). Western Dietary Pattern Increases, and Prudent Dietary Pattern Decreases, Risk of Incident Diverticulitis in a Prospective Cohort Study. Gastroenterology, 152 (5), 1023-1030. doi:10.1053/j.gastro.2016.12.038
8/ Stam, M., Draaisma, W., van de Wall, B., Bolkenstein, H., Consten, E. & Broeders, I. (2017). An unrestricted diet for uncomplicated diverticulitis is safe: results of a prospective diverticulitis diet study. Colorectal Dis, 19 (4), 372-377. doi:10.1111/codi.13505
9/ Dahl, C., Crichton, M., Jenkins, J., Nucera, R., Mahoney, S., Marx, W. & Marshall, S. (2018). Evidence for Dietary Fibre Modification in the Recovery and Prevention of Reoccurrence of Acute, Uncomplicated Diverticulitis: A Systematic Literature Review. Nutrients, 10 (2), 137. doi:10.3390/nu10020137
10/ Haute Autorité de Santé. (2017). Recommandation de bonne pratique : Prise en charge médicale et chirurgicale de la diverticulite colique. Retrived from : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-12/prise_en_charge_medicale_et_chirurgicale_-_recommandations.pdf
11/ Taylor, I. & Duthie, H.L. (1976). Bran tablets and diverticular disease. Br Med J, 1, 988-990
12/ Llewellyn, S., Britton, G., Contijoch, E., Vennaro, O., Mortha, A., Colombel, J.F., (…), Faith, J. (2018). Interactions Between Diet and the Intestinal Microbiota Alter Intestinal Permeability and Colitis Severity in Mice. Gastroenterology, 154 (4), 1037-1046. doi: 10.1053/j.gastro.2017.11.030
13/ Vaillant, M.F., Alligier, M., Baclet, N., Capelle, J., Dousseaux, M.P., Eyraud, E., (…), Quilliot, D. (2019). Recommandations sur les alimentations standard et thérapeutiques chez l’adulte en établissements de santé. Nutrition Clinique et Métabolisme. doi:10.1016/j.nupar.2019.09.002