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Journée d'Etude 2021

De nouvelles perspectives sur le rôle du microbiote intestinal sur l’obésité et le diabète

Lors de la 18e journée d’étude de l’UPDLF du 1er octobre 2021, le professeur Patrice D. Cani (directeur de recherches FNRS-WELBIO, UCLouvain) nous a présenté de nouvelles perspectives en lien avec le microbiote intestinal et la santé, et plus particulièrement pour l’obésité et le diabète de type II. Quelles sont ces nouveautés ?

Noélie Dominicy, Diététicienne-nutritionniste

Introduction

L’inflammation de bas grade et le stress oxydatif sont deux modulateurs importants du métabolisme. Mais, eux-mêmes, peuvent être déclenchés par toute une série de facteurs, tels que la génétique, l’environnement, le tabac, l’âge, le sexe, etc. L’alimentation est aussi un facteur clé, et, le microbiote intestinal joue également un rôle. Ce dernier interagit par différents mécanismes avec notre métabolisme, et notre alimentation est directement connectée avec celui-ci.

Aujourd’hui, le microbiote intestinal est considéré comme un organe à part entière, bien que, au sens strict du terme, il ne soit pas relié aux autres organes. En effet, il contribue à notre métabolisme par différentes interactions. On parle également d’organe à cause de sa taille. De fait, il compte environ cent mille milliards de cellules bactériennes, ce qui représente probablement autant que nos propres cellules humaines, voire même plus. Pour rester en bonne santé, il y a un dialogue permanent entre nos cellules et ces micro-organismes. Effectivement, le microbiote intestinal contribue au développement de notre immunité. Ceci se produit grâce à une interaction avec la barrière intestinale. De plus, il contribue à la digestion de toute une série de nutriments, notamment la fermentation des fibres alimentaires. Il contribue aussi à la modification des acides biliaires pour la digestion des lipides, etc. En outre, ce microbiote produit toute une série de vitamines. Il est possible de l’influencer par des médicaments ou toute une série de xénobiotiques. Cependant, parfois, il peut y avoir une modification du dialogue entre le microbiote et nos propres cellules, et donc, certaines pathologies peuvent se déclencher.

La composition du microbiote intestinal

Il y a de multiples facteurs qui influencent le microbiote intestinal tels que : l’alimentation, l’activité physique, la prise d’antibiotiques, le jeûne, les susceptibilités génétiques et l’exposition au froid. Tous ces éléments vont influencer la composition du microbiote, mais également la production de certains métabolites. Ces métabolites vont eux-mêmes agir à distance de l’intestin et des bactéries sur toute une série d’organes, comme par exemple le foie, le tissu adipeux, le muscle ou le cerveau, et contribuer soit au déclenchement de certaines pathologies soit à les limiter ou les éviter. Ce sont des interactions complexes et permanentes qui s’opèrent.

La composition du microbiote intestinal est différente lorsque l’on se trouve dans une situation pathologique donnée. Parmi ces pathologies, certaines sont liées à des désordres métaboliques, comme les maladies cardiovasculaires, la stéatose hépatique, le diabète, l’insulino-résistance et l’obésité. D’autre créent des désordres liés à l’immunité tels que l’inflammation, l’arthrite, l’eczéma, les maladies neuro-dégénératives, l’anxiété, la dépression, l’autisme, etc. Néanmoins, le microbiote intestinal n’est pas nécessairement la cause de ces pathologies, car il existe d’autres types d’interactions. En effet, tous les facteurs qui se trouvent autour de ce microbiote interagissent aussi avec la composition de celui-ci. Cependant, l’inflammation de bas grade est considérée comme étant potentiellement un facteur central ou une cause commune à différentes maladies.

Des composés du microbiote intestinal agissent-t-ils comme facteurs déclenchants ?

Certains composants du microbiote intestinal, comme les lipopolysaccharides (LPS) se retrouvent en quantité un peu plus élevée dans le sang des sujets obèses ou diabétiques de type II. En effet, le LPS est un facteur déclenchant l’inflammation de bas grade associée à l’insulino-résistance et à l’accumulation de masse grasse. En bloquant les récepteurs des LPS, on empêche le déclenchement de ces désordres métaboliques. Une quantité incroyable de bactéries vivent dans l’intestin, et ces fameux LPS représentent eux-mêmes une quantité très importante d’endotoxines présents dans l’intestin. La fonction barrière de l’intestin doit donc véritablement être fonctionnelle sous peine d’être inondés de ces LPS (et d’autres éléments bactériens) dans notre sang, et d’entraîner un état inflammatoire permanent, voire en sepsis.

La fonction de la barrière intestinale

La paroi intestinale va limiter autant que possible le passage des toxines bactériennes vers l’intérieur de l’organisme. Elles ne rejoindront donc pas ou très peu la circulation sanguine. Ceci se fait par l’intermédiaire de différents facteurs : des barrières physiques ou biologiques. La première barrière que l’on retrouve est la couche de mucus qui tapisse la paroi de l’intestin. Ensuite, les cellules épithéliales de l’intestin constituent une couche unique de cellules qui sont maintenues grâce à des protéines de jonction (par exemple : ZO-1, occludine, etc.). Des cellules immunitaires se retrouvent également dans la paroi de l’intestin. Elles envoient des signaux permettant de maintenir à distance certaines bactéries et leur limitent donc le passage vers l’intérieur de notre organisme. Ces différentes barrières contribuent à maintenir une distance entre le milieu extérieur et intérieur de notre organisme.

De plus en plus de mécanismes liant microbes intestinaux et troubles cardio-métaboliques

La composition du microbiote intestinal d’un sujet mince est différente de celle d’un sujet obèse ou diabétique de type II. Le type de bactéries et le type d’activités métaboliques de ce microbiote, les métabolites, diffèrent également.

Le microbiote intestinal peut directement contribuer à la régulation de l’appétit par de nombreux mécanismes différents décrits ci-dessous. Il va également contribuer à l’accumulation de lipides au niveau hépatique et au déclenchement de l’inflammation, entre autres par les toxines LPS. Lorsque ceci se déclenche, il peut y avoir un développement de pathologies, telles que les maladies cardio-vasculaires, la stéatose hépatique, l’arthrosclérose et le diabète de type II.

Le rôle des acides aminés

Toute une série de dérivés d’acides aminés, comme l’histidine, le tryptophane, le L-glutamate et la cystéine, pourraient aussi avoir des effets bénéfiques ou délétères sur la santé. Parmi les acides aminés, on retrouve les acides aminés branchés qui ont été très fortement associés au déclenchement d’une insulino-résistance. Et le microbiote intestinal peut produire ces acides aminés branchés par le métabolisme de ces différents acides aminés.

D’autres molécules comme l’imidazole propionate (ImP) dérivé de l’histidine contribue à une insulino-résistance en bloquant directement dans la cellule (hépatique, musculaire ou du tissu adipeux) la cascade de signalisation de l’insuline. Donc ces molécules produites par des bactéries viennent bloquer d’autres protéines impliquées dans la signalisation du récepteur de l’insuline. Des dérivés comme l’indole stimulent le GLP-1 et se lient à d’autres récepteurs pour avoir des effets bénéfiques sur la santé. Aussi, toute une série de neurotransmetteurs sont produits au niveau du microbiote intestinal, tels que la sérotonine.

Le rôle des fibres alimentaires

Certaines fibres alimentaires vont être utilisées par les bactéries intestinales, puis transformées en différents constituants, dont des acides carboxyliques à chaine courte comme l’acétate, le propionate et le butyrate. Ces acides carboxyliques à chaine courte et la fermentation des fibres alimentaires diminuent la perméabilité intestinale et l’inflammation, améliorent le métabolisme énergétique et régulent l’appétit par des mécanismes qui dépendent d’hormones (par exemple le GLP-1, PYY) directement produites par des cellules entéro-endocrines de l’intestin, les cellules L. En outre, les acides carboxyliques à chaine courte produits par les bactéries stimulent la production de ces hormones en se liant à des récepteurs membranaires (GPR-41 et 43). Dès que ces molécules se lient aux récepteurs, la cellule se met à produire ces hormones qui sont ensuite libérées dans le sang et vont agir à distance, notamment sur le nerf vague et directement au niveau de l’hypothalamus pour, par exemple, contrôler l’appétit, mais également au niveau du pancréas pour stimuler la sécrétion de l’insuline. Voici un des mécanismes parmi lesquels les fibres alimentaires peuvent contribuer à cette modification du métabolisme.

Conclusion

La littérature démontre qu’il faut un équilibre parfait de la fonction de la barrière de l’intestin pour limiter le développement de l’inflammation de bas grade qui est associée notamment à l’obésité et au diabète de type II. Pour que cela se fasse de manière optimale, il faut une diversité microbienne suffisamment importante, une couche de mucus qui doit être entretenue, toute une série de métabolites qui doivent jouer un rôle et dialoguer avec nos propres cellules pour maintenir cet équilibre et cette homéostasie.

Bibliographie

Cani, P. (2021, 1er octobre). Microbiote intestinal, diabète et obésité : de nouvelles perspectives. Dans NEXT : Nutrition Exercise Therapy (symposium), 18e journée d’étude de l’UPDLF, Charleroi, Belgique. https://lesdieteticiens.be/journee-detude-2021/

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