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Petite enfance

Les laits de croissance :
Les conseiller en tenant compte de leurs intérêts et inconvénients.

Chez les parents, l’alimentation des enfants en bas âge suscite beaucoup d’interrogations. Le choix du lait adéquat en fait généralement partie.

Jusqu’à 18 mois, la base de l’alimentation reste (à défaut du lait maternel) le lait de premier âge puis, logiquement, le lait de deuxième âge (appelé également lait de suite). Se pose alors la question du choix du lait à privilégier à posteriori.

En tant que diététien∙ne∙s, comment pouvons-nous guider les parents dans le choix du lait afin de maximiser les chances que l’enfant en bas âge reçoive les apports adéquats pour une croissance optimale ?

Célia Deleersnijder, diététicienne agréée, diététicienne clinique au Centre Hospitalier Chrétien (CHC) Liège et diététicienne indépendante.

Tout l’enjeu d’un choix de lait adéquat réside dans l’importance de l’alimentation chez l’enfant en bas âge (de 1 à 3 ans). En effet, l’équilibre alimentaire chez l’enfant de cette tranche d’âge comporte plusieurs enjeux à court et long termes pour sa croissance et sa santé.

D’abord, durant cette période, la croissance est rapide : l’enfant grandit d’environ 10 cm par année (1). Or, nous savons que les mécanismes de croissance osseuse dépendent notamment du métabolisme phosphocalcique et donc d’un apport adéquat en calcium et vitamine D (1).

Ensuite, la petite enfance est également un moment charnière pour le développement cognitif. En effet, c’est durant cette période que la croissance cérébrale est la plus rapide et donc rend l’enfant très sensible aux problèmes de malnutrition (2). Au niveau des micronutriments, la carence en fer est fréquente chez les enfants de moins de 2 ans (42% des enfants en souffrent selon l’OMS (3)) et provoque des conséquences néfastes et irréversibles sur leurs capacités intellectuelles (4). L’apport en acides gras poly-insaturés (AGPI) et en particulier en oméga-3 a également un impact sur les aptitudes cognitives de l’enfant via son rôle dans la neurotransmission (5) (6). Pourtant, il est reconnu que l’alimentation occidentale est souvent déséquilibrée au niveau des AGPI fournis avec un apport excessif en oméga-6 par rapport aux oméga-3 (7).

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Enfin, il est important de reconnaître que la petite enfance fait partie des périodes critiques pour le développement de surpoids voire d’obésité à l’âge adulte, accompagnée de toutes ses complications métaboliques associées (8). Cette tranche d’âge est donc un moment décisif en termes de prévention de l’obésité. Ainsi, nous savons qu’un apport en protéines trop élevé ainsi qu’un apport insuffisant en lipides en début de vie sont corrélés à un risque plus important de surpoids à l’âge adulte (9) (10).

En résumé, pour une croissance optimale il faudra veiller en priorité à un apport adéquat en protéines, lipides de qualité (dont oméga-3), fer, calcium et vitamine D.

En théorie, le respect des recommandations alimentaires belges permet de couvrir les besoins en macro et micronutriments (sauf vitamine D) de l’enfant sans risque de carence ni d’excès. Cependant, des études de consommations alimentaires menées chez les enfants en bas âge constatent qu’en pratique ce n’est pas le cas (11) (12). En effet, la consommation de protéines atteint jusqu’à 2 à 3 fois les consommations maximum recommandées. En ce qui concerne la vitamine D, les données de 2012 montrent que la consommation de vitamine D atteint à peine 50% des apports journaliers recommandés (AJR) (11).  Quant aux oméga-3, c’est le même constat : les apports couvrent environs 40% des AJR pour la tranche d’âge (11). Au niveau du fer, l’apport est proche du minimum recommandé (11). L’apport en calcium est généralement couvert par les produits laitiers (11). Ces données confirment donc que l’alimentation belge des enfants de 1 à 3 ans peine à couvrir les besoins de cette tranche d’âge. Ces observations sont inquiétantes quant au développement optimal de l’enfant mais aussi quant aux risques de surpoids et d’obésité à l’âge adulte. D’ailleurs, dans le cadre d’un travail de fin d’études, j’ai eu l’occasion d’analyser les apports alimentaires d’une trentaine d’enfants en crèche et d’en venir aux mêmes conclusions.

Conscients de ces enjeux et problématiques, il est donc intéressant de se pencher sur l’intérêt du lait de croissance (LC) en complément de l’alimentation solide. Un consensus belge suggère que la consommation de LC chez ces enfants peut participer à l’atteinte des apports nutritionnels recommandés (13). En effet, la formule de ces laits de 3ème âge est en principe étudiée pour satisfaire les besoins des enfants de 1 à 3 ans (14). L’intérêt principal du LC est sa teneur réduite en protéines par rapport au lait de vache. Cela répond donc à la problématique liée à la surconsommation d’aliments protéiques chez l’enfant en bas âge. Aussi, les LC peuvent être enrichis en toutes sortes de minéraux (dont le fer et le calcium), vitamines (dont la vitamine D), pré/probiotiques et acides gras essentiels.

Contrairement aux préparations pour nourrissons et aux préparations de suite, les LC ne sont pas définis ni réglementés par la législation européenne sur les denrées alimentaires (15). Cela implique que la composition de ces laits varie en termes d’apport calorique et de composition nutritionnelle (14).

Or, depuis 20 ans, leur présence sur le marché européen ne fait qu’augmenter (14). Sur la région liégeoise, dans les magasins et pharmacies (hors internet), il y aurait plus de trente-cinq sortes de LC (recensés personnellement dans le cadre d’un travail de fin d’études en 2022). Les tableaux 1 et 2 résument la disparité des valeurs nutritionnelles des LC recensées lors de ce travail.

Tableau 1 Résumé des valeurs nutritionnelles des laits de croissance sur le marché liégeois

Tableau 2 Résumé des caractéristiques lipidiques des laits de croissance du marché

Les parents sont donc confrontés à un vaste choix de LC aux compositions amplement variables. Certains de ces laits contiennent même du saccharose et des arômes (de biscuit, de vanille, etc.) et sont par conséquent à bannir.

Face à ce constat, il est donc important de faire connaître les critères émis par l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) quant aux choix de ces laits, soit : « une teneur en protéines basses, un enrichissement en acides gras à longues chaînes et l’absence de saccharose et d’arômes » (16). Malheureusement, et étant donné le manque de législation sur la composition des LC, peu de laits répondent à ces critères.

C’est donc à nous, diététien∙ne∙s, que revient la responsabilité d’informer et d’orienter les parents vers un lait de croissance de qualité. Aussi, il serait intéressant d’informer les pédiatres et médecins généralistes car souvent le choix du LC se fait sur base de leurs conseils. Enfin, mettre en lumière la problématique du manque de législation et militer pour des compositions nutritionnelles réglementées serait un idéal à poursuivre.

Finalement, nous pouvons donc conclure qu’un lait de croissance bien choisi pourrait avoir sa place dans l’alimentation de l’enfant en bas âge étant donné leur teneur amoindrie en protéines et leur apport en vitamines et minéraux essentiels. Même si, il ne faut tout de même pas perdre de vue, qu’en tant que diététien∙ne∙s, notre vocation première est d’améliorer les habitudes alimentaires des familles afin d’aider les enfants à atteindre les apports nutritionnels recommandés. Seul, le lait choisi ne peut pallier tous les excès et carences. Le lait de croissance adapté est donc à conseiller en complément d’une alimentation équilibrée et variée.

Bibliographie

1/Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale. (2018). Croissance et troubles de la croissance – Grandir, une histoire d’hormones mais pas seulement. Retrieved from https://www.inserm.fr/dossier/croissance-et-troubles-croissance/

 

2/Dhopeshwarkar, G.A. (1983). Effects of Malnutrition on Brain Development. Nutrition and Brain Development. Boston, MA: Springer US. 49–83.

 

3/Organisation Mondiale de la Santé. (2020). Des lignes directrices de l’OMS aident à détecter la carence en fer et à ‎protéger le développement du cerveau. Retrieved from https://www.who.int/fr/news/item/20-04-2020-who-guidance-helps-detect-iron-deficiency-and-protect-brain-development

 

4/Scrimshaw, N.S. (1998). Malnutrition, brain development, learning and behavior. Nutrition Research : Vol. 18.

 

5/Heude, B., Forhan, A., Slama, R., Douhaud, L., Bedel, S., Saurel-Cubizolles, M.J., et al. (2016). Cohort Profile: The EDEN mother-child cohort on the prenatal and early postnatal determinants of child health and development. International Journal of Epidemiology, Apr 11;45(2). 353–363.

 

6/Fédération de la Recherche sur le Cerveau. (2018). L’alimentation. Retrieved from https://www.frcneurodon.org/comprendre-le-cerveau/a-la-decouverte-du-cerveau/lalimentation/

 

7/Simopoulos, A.P. (2002). The importance of the ratio of omega-6/omega-3 essential fatty acids. Nutrition and Heath, 56. 365–379.

 

8/Dietz, W.H. (1994). Critical periods in childhood for the development of obesity. The American Journal of Clinical Nutrition, May 1;59(5). 955–959. https://doi.org/10.1093/ajcn/59.5.955

 

9/Office de la Naissance et de l’Enfance. (2018). Enfant et nutrition : guide à l’usage des professionnels. Bruxelles, Belgique : Parmentier Benoît, editor. 65–78 p.

 

10/Rolland-Cachera, M.F. (2018). Perinatal consumption of dietary fat: Association with the risk of later obesity. OCL – Oilseeds and fats, Crops and Lipids. EDP Sciences.

 

11/Huysentruyt, K., Laire, D., van Avondt, T., de Schepper, J., Vandenplas, Y. (2016). Energy and macronutrient intakes and adherence to dietary guidelines of infants and toddlers in Belgium. European Journal of Nutrition, 55(4). 1595–1604.

 

12/Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. (2019). Avis de l’ANSES relatif à l’actualisation des repères alimentaires du PNNS pour les enfants de 0 à 3 ans. Retrieved from https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-lanses-relatif-%C3%A0-lactualisation-des-rep%C3%A8res-alimentaires-du-pnns-jeunes-enfants-0-3

 

13/Vandenplas, Y. (2013). A consensus-statement on Growing-Up Milks for children 1-3 years old.

 

14/Hojsak, I., Bronsky, J., Campoy, C., Domellöf, M., Embleton, N., Mis, N.F., et al. (2018). Young child formula: A position paper by the ESPGHAN committee on nutrition. Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition, Jan 1;66(1). 177–185.

 

15/European Commission. (2016). Report from the Commission to the European Parliament and the Council on young child formulae. Brussels.

 

16/Office de la Naissance et de l’Enfance. (2021). Repertoire des laits infantiles.

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