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European Federation of the Associations of Dietitians (EFAD)

Prise de position de l'EFAD sur les modes d'alimentation durables

Traduction, par l’UPDLF, du document « EFAD Position Paper on Sustainable Dietary Patterns » rédigé par l’EFAD.

Introduction

La recherche sur les régimes alimentaires durables est relativement récente. Et il y a une grande prolifération ces dernières années pour répondre à différentes questions liées à l’impact environnemental, à la santé et à l’économie. Les études existantes suggèrent que les régimes à base de plantes peuvent être bénéfiques à la fois pour la santé et l’environnement par rapport à un régime occidental typique1,2. En outre, de mauvais résultats en matière de santé sont associés à une faible consommation d’aliments d’origine végétale et à une consommation élevée d’aliments d’origine animale et ultra-transformés3.

La production alimentaire contribue largement aux émissions de gaz à effet de serre (GES) et à d’autres facteurs du changement climatique. Ceux-ci ont un impact direct sur l’environnement dont dépend la production alimentaire4. Cette dernière représente 70 à 80 % de la consommation d’eau douce et 20 à 30 % des GES mondiaux. Elle contribue largement à la pollution de l’air et de l’eau, ainsi qu’à la dégradation des sols et de la biodiversité4-6. Le type d’aliments consommé, la surconsommation, les aliments perdus dans la chaîne alimentaire et les aliments gaspillés sont devenus des considérations essentielles pour la santé des populations et de la planète4. Nos choix alimentaires ont un impact sur notre santé et sur l’environnement.

Ainsi, une approche des systèmes alimentaires est nécessaire pour garantir des régimes alimentaires plus sains et plus durables qui couvrent les besoins nutritionnels des populations et protègent l’environnement7. Pour faciliter le passage à la durabilité, les politiques touchant aux systèmes alimentaires doivent être réformées afin de lutter contre le changement climatique, d’enrayer la perte de biodiversité, de freiner l’obésité et de rendre l’agriculture viable pour la prochaine génération7. Dans l’Union européenne (UE), le « Green Deal » européen vise déjà à atteindre l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 et à découpler la croissance économique des ressources. Cet objectif, associé à la stratégie « de la ferme à la fourchette », devrait déboucher sur des systèmes alimentaires plus équitables, plus sains et plus durables8, 9. Par ailleurs, l’initiative « Une seule santé » (one health, en anglais) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), approuvée par l’UE, vise à améliorer les résultats en matière de santé publique en reliant la santé humaine, animale, végétale et environnementale en une seule stratégie composée de programmes, de politiques, de législation et de recherche, dans laquelle de multiples secteurs communiquent et travaillent ensemble10. Les diététiciens européens sont des agents clés pour faciliter la transition vers des systèmes alimentaires plus durables car ils interagissent avec les patients, les clients, la communauté, les producteurs alimentaires, les gouvernements et les organisations de la société civile7. Les diététiciens peuvent fournir des conseils pour une alimentation abordable, saine pour l’homme et bénéfique pour la planète en favorisant les systèmes de production alimentaire qui minimisent la dégradation de l’environnement.

Les régimes alimentaires durables - plus complexes que simples

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’OMS définissent un régime alimentaire durable et sain comme suit : « Les régimes alimentaires durables et sains sont des modes d’alimentation qui favorisent toutes les dimensions de la santé et du bien-être des individus ; qui ont une faible pression et un faible impact sur l’environnement ; qui sont accessibles, abordables, sûrs et équitables ; et qui sont culturellement acceptables, etc.3″

Une alimentation saine et durable a également été décrite comme un régime composé d’une variété d’aliments d’origine végétale, principalement frais et peu transformés, de légumes produits de manière durable, de fruits et de légumes de saison, des graisses végétales produites de manière durable, de petites quantités d’aliments d’origine animale peu transformés, de l’eau du robinet comme boisson principale et très peu de nourriture gaspillée11. Cette approche a été fortement critiquée car elle est trop coûteuse pour 20 % de la population mondiale – ce qui aggraverait la situation de ceux qui sont déjà menacés par la sécurité alimentaire et nutritionnelle, principalement dans les pays à faible et moyen revenu12. En outre, les régimes à base de plantes peuvent entraîner une consommation élevée de féculents et/ou d’aliments « durables » hautement transformés, ce qui constitue un risque pour les groupes vulnérables ayant des besoins nutritionnels particuliers, comme les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants, même dans les pays à revenu élevé13-17. Les régimes alimentaires sains sont, en général, inabordables pour plus de trois milliards de personnes dans les pays à revenu faible, moyen et élevé, tandis que plus de 1,5 milliard de personnes ne peuvent même pas se permettre un régime alimentaire qui ne répond qu’aux niveaux requis de nutriments essentiels4, 18. Bien que les contraintes financières et nutritionnelles constituent pour beaucoup un obstacle à une alimentation saine et durable, une grande partie des habitants de la planète pourrait se permettre de faire des choix alimentaires plus durables et plus sains. Il appartient donc aux gouvernements locaux d’adapter les recommandations et les politiques à la situation locale3.

Une autre objection à cette approche diététique est qu’elle ne fait aucune distinction entre les pratiques de production alimentaire et les normes relatives au bien-être des animaux. En plus, elle ne distingue pas l’accent disproportionné mis sur la menace que représente la consommation d’aliments d’origine animale pour la durabilité et la santé humaine, tout en sous-estimant la variabilité des pratiques d’élevage et leur impact sur l’utilisation des terres non arables, la biodiversité et l’économie rurale15,16. La généralisation des régimes alimentaires à base de plantes doit se conformer à des modes d’exploitation durables, qui incluent les animaux en tant que soutien à l’environnement et pas nécessairement en tant que source de viande19. Il est vrai qu’il faut moins de ressources naturelles pour produire des aliments d’origine végétale destinés à la consommation humaine que des aliments d’origine animale20, 21. Cependant, toutes les viandes n’ont pas le même impact sur l’environnement et la santé. Les animaux d’élevage (vaches, porcs et volailles) produits selon le concept d’économie circulaire auraient besoin de moins de terres et transformeraient les surfaces cultivables et les prairies en puits de dioxyde de carbone22. La volaille est considérée comme durable. Cependant, en raison de la surconsommation de viande, augmenter la consommation de volaille ou préconiser la volaille plutôt que d’autres viandes nécessiterait une production industrielle encore plus importante et l’utilisation de terres pour des monocultures23. Il existe un consensus sur le fait que les régimes alimentaires des pays à revenu élevé nécessitent une diminution de la consommation d’aliments d’origine animale et une augmentation de la consommation d’aliments sains d’origine végétale tels que les légumineuses, les fruits et légumes, les noix et les céréales complètes4. Pour réduire l’impact de l’agriculture sur le changement climatique, la consommation de viande rouge dans certains pays du G20 devrait diminuer de 71 % d’ici 2030 et de 81 % d’ici 205024, 25. Par exemple, les Européens consomment 67,63 kg de viande par an, ce qui signifie qu’ils mangent une portion et demi par jour, soit beaucoup plus qu’en Tanzanie où la consommation de viande par habitant est d’une portion et demi par semaine26, 27. Cependant, certains groupes d’âge, comme les personnes âgées, ont également besoin d’une alimentation à base de protéines de haute qualité, ce qui doit être pris en compte lorsqu’on aborde la question de l’alimentation globale et de la durabilité28.

La santé humaine et l’environnement doivent être considérés ensemble lorsqu’on aborde les systèmes alimentaires de la ferme à la table. Les modèles alimentaires traditionnels tels que le régime méditerranéen, le régime Okinawa et le régime nordique sont alignés sur les principes de durabilité. Bien que la plupart des recommandations alimentaires nationales (FBDG) préconisent de consommer davantage de fruits, de légumes, de légumineuses et de céréales complètes, moins de la moitié des pays du monde appliquent certaines de ces recommandations et aucun pays ne les applique toutes24,29. En outre, la plupart des objectifs de développement durable ne sont pas compatibles avec au moins un des objectifs mondiaux en matière de santé et d’environnement, et un tiers d’entre eux sont incompatibles avec le programme de lutte contre les maladies non transmissibles24,29. Ainsi, pour que les objectifs de développement durable aient un impact sur la santé des personnes et de l’environnement, un soutien politique clair et cohérent est nécessaire au niveau de chaque pays24.

Un autre sujet important dans le domaine de la durabilité alimentaire est les chaînes alimentaires courtes et longues – raccourcir la chaîne alimentaire peut limiter les concentrations de pouvoir et les pratiques commerciales déloyales tout en soutenant les moyens de subsistance des petits agriculteurs et producteurs7. En outre, la réduction des pertes et gaspillages alimentaires et la consommation d’aliments locaux et saisonniers sont autant de sujets importants dans le débat sur la durabilité alimentaire. Ainsi, les principes de base d’une alimentation sûre et saine sur les marchés alimentaires traditionnels devraient mettre l’accent sur la nécessité d’une perspective interconnectée des systèmes alimentaires urbains et ruraux. Ils devraient également se focaliser sur le rôle que les marchés alimentaires traditionnels peuvent jouer, c’est-à-dire en contribuant à un environnement qui favorise la santé et la sécurité alimentaire. Ils devraient aussi plaider pour une alimentation sûre, saine, durable, accessible et abordable pour la population, avec une attention particulière pour les groupes les plus vulnérables30. Lors de la détermination d’un régime alimentaire durable, l’interprétation et l’adaptation locale du régime alimentaire sain d’application universelle sont nécessaires pour refléter la culture, la géographie et la démographie locales de la population et des individus3. La durabilité du régime alimentaire doit être décidée au niveau national après avoir pris en compte les aspects socio-économiques qui, outre la richesse, reflètent les modes d’alimentation traditionnels et le temps nécessaire pour que ces modes soient modifiés de manière adéquate sans impact négatif sur la santé de la population3.

Ainsi, avant qu’un modèle alimentaire ne soit considéré comme sain et durable, il convient de prendre en compte les piliers sociaux, environnementaux et économiques de la durabilité au sein d’un système alimentaire3. Parmi les éléments importants de ces trois piliers figurent les prix des aliments, les aspects culturels et nutritionnels, les aliments locaux et saisonniers, les taux d’alphabétisation alimentaire, les pratiques agricoles et d’élevage, les spécificités de la chaîne alimentaire, la transformation des aliments, le gaspillage et les pertes alimentaires3,4,31,32.

Conclusion

Une approche interdisciplinaire est nécessaire pour réussir à intégrer des régimes alimentaires sains plus durables dans un système complexe de production et d’approvisionnement alimentaire. Pour atteindre cet objectif, les associations diététiques européennes et la main-d’œuvre diététique européenne sont engagées et désireuses de promouvoir des modes d’alimentation plus sains et plus durables grâce à des régimes alimentaires abordables, diversifiés, nutritifs, moins gourmands en ressources et produisant un minimum de déchets.

L’EFAD demande également aux pays européens de revoir leurs lignes directrices nationales en matière d’alimentation afin d’y inclure les aspects de durabilité comme force de liaison pour la santé et l’environnement et appelle les décideurs politiques, la société civile, l’industrie alimentaire, les agriculteurs et les consommateurs à soutenir les actions et les politiques qui facilitent les transitions vers une Europe plus saine et plus verte.

Le temps est venu et les diététiciens européens sont prêts.

Bibliographie

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