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Travail de fin d'études

Revue de la littérature scientifique : Nutrition et cancer

Cet article a pour objectif de faire le point sur les dernières avancées scientifiques concernant les besoins en énergie et en macronutriments chez un patient atteint de cancer(s).

Joanne Vansimpsen, diététicienne agréée au Centre Hospitalier Régional de la Citadelle.

1. Quelques notions importantes

Un cancer est une pathologie complexe, caractérisée par une prolifération cellulaire anormale, rapide et non contrôlée par les mécanismes homéostatiques habituels [1]. Certains facteurs favorisent le développement de la maladie comme le mode de vie, l’alimentation, l’hérédité, des facteurs environnementaux etc. [2,3].

Le syndrome de cachexie cancéreuse est un problème qui apparait fréquemment chez les personnes atteintes de cette pathologie, aggrave leur état de santé et engage le pronostic vital. Ce syndrome, généralement irréversible, se caractérise par un état d’affaiblissement général, d’une inflammation généralisée, une perte de poids significative et une perte de masse musculaire avec ou sans perte de masse graisseuse [4,5].

Le cancer s’accompagne d’une reprogrammation des métabolismes glucidiques, lipidiques et protéiques pour répondre aux exigences énergétiques, de croissance et de survie de la tumeur. Ces altérations engendrent une dépendance des cellules cancéreuses envers certains nutriments, dont le glucose, les lipides et les acides aminés [6,7].

2. Les glucides et le cancer

2.1. Reprogrammation métabolique

Le glucose est le substrat énergétique de choix des cellules cancéreuses [6,7]. Les cellules cancéreuses subissent l’effet Warburg, qui leur permet de produire de l’énergie à partir du glucose via la fermentation lactique. Alors que dans des cellules saines, les molécules de glucose entrent principalement dans le cycle de Krebs pour produire de l’énergie [6,7]. Bien que la quantité d’énergie libérée au cours de l’effet Warburg soit moins importante que via le cycle de Krebs, les tumeurs privilégient cette voie. En effet, le lactate sécrété acidifie le milieu extracellulaire et facilite le développement tumoral [6,7].

2.2. Conclusion de la littérature actuelle

La littérature ne définit pas de quantité spécifique concernant l’apport glucidique chez un patient cancéreux. Le régime cétogène a été fortement impliqué et mis en avant ces dernières années. Cependant, les essais cliniques ont produit des résultats peu concluants. Une alimentation hyper- ou hypoglucidique n’est pas non plus préconisée [8].

L’apport glucidique recommandé suit les recommandations nutritionnelles belges : 50-55% du besoin énergétique journalier (BEJ) [8]. Quant à la qualité des glucides, la consommation de céréales complètes, plutôt que de céréales raffinées, est conseillée [8]. 

3. Les lipides et le cancer

3.1. Reprogrammation métabolique

Le métabolisme des lipides est également altéré avec une synthèse accrue des acides gras. Ils sont non seulement une source d’énergie, comme les glucides, mais également nécessaires à la création des membranes des cellules cancéreuses et à la production des molécules de signalisation pro tumorale [7].

La voie de la lipolyse permet de dégrader les lipides en acides gras grâce à des lipases. Ils peuvent ensuite être utilisés afin de fournir de l’énergie [7].

Dernièrement, des recherches ont mis en évidence l’existence de la lipophagie. Il s’agit d’un type particulier d’autophagie. Dans ce processus, les gouttelettes lipidiques s’entourent d’une double membrane et sont décomposées par des enzymes lytiques, libérant les acides gras [9]. De l’énergie peut donc également être produite via ce mécanisme, qui permet le recyclage des composants métaboliques. Lorsqu’elles sont en situation de stress, les cellules cancéreuses tirent profit de ce processus pour survivre [9].

3.2. Conclusion de la littérature actuelle

A nouveau, la littérature ne définit pas de quantité concernant l’apport en lipides. Des études suggèrent que les oméga-3, combinés avec des traitements anti-cancéreux, peuvent avoir un impact positif sur l’évolution du cancer*. Cependant, cette supplémentation s’accompagnait d’effets indésirables comme des saignements de nez, de selles molles, de nausées et d’éruptions cutanées [8].

*La combinaison d’une alimentation enrichie en oméga-3 et d’un traitement anti cancer augmente la sensibilité des cellules cancéreuses envers le traitement. Les oméga-3 accentuent le stress oxydatif et la peroxydation lipidique des cellules cancéreuses, ce qui empêche la propagation du cancer.

Dès lors, l’apport lipidique se base donc sur les recommandations nutritionnelles belges : 30-35% du BEJ [8]. Le choix des lipides suit également les recommandations du Conseil Supérieur de la Santé :

4. Les protéines et le cancer

4.1. Reprogrammation métabolique

Les cellules cancéreuses ont besoin d’un apport plus important en acides aminés que les cellules saines afin de supporter leur croissance et leur prolifération rapide. En effet, le catabolisme des acides aminés produit des intermédiaires métaboliques qui servent de source d’énergie et de matières premières pour la synthèse de diverses molécules (acides nucléiques, protéines, lipides). Ils aident également à maintenir la balance rédox cellulaire et provoquent également la méthylation, qui réprime ou active l’expression des gènes, renforçant la croissance et l’agressivité de la tumeur [7, 10, 11].

Les acides aminés remplissent des rôles différents dans la cancérogénèse. Il est donc nécessaire de connaitre le rôle de chaque acide aminé dans la croissance et la prolifération tumorale, afin de déterminer s’il existe une alimentation adaptée, en termes de quantité et de qualité en acides aminés. Le rôle des acides aminés les plus cités et discutés dans la littérature :

4.2. Conclusion de la littérature actuelle

Plusieurs acides aminés ont fait l’objet d’un certain nombre d’études avec des résultats prometteurs. La méthionine et la leucine (seule ou avec les BCAA) sont les plus étudiées lors de recherches se concentrant sur une modification du régime alimentaire :

Néanmoins, les recherches actuelles, bien qu’offrant des résultats encourageants, sont principalement à un stade pré-clinique et ne permettent pas de conclure sur les effets positifs d’un régime alimentaire modifié en acides aminés sur l’évolution du cancer et de la cachexie cancéreuse. De plus, la restriction en acides aminés apparait difficile car la littérature scientifique actuelle conseille une augmentation des apports en protéines afin de prévenir et de lutter contre la dénutrition et la cachexie cancéreuse [22].

Enfin, il est peu probable qu’une seule et même recommandation concernant la composition alimentaire en acide aminé soit préconisée à tous pour la prévention ou le traitement du cancer. En effet, différents types de cancers ont une source d’énergie préférée et des dépendances nutritionnelles propres vis-à-vis des acides aminés [13, 16].

L’apport protéique recommandé est celui de la Société Francophone de Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNEP) : entre 1,2 à 1,5g de protéines/kg par jour, en fonction de l’état de santé du patient [27]. Au vu des études qui sont au stade pré-clinique ou ayant obtenus des résultats contrastés, il n’y a pas un profil d’acide aminé à privilégier ou à limiter.

5. Les besoins énergétiques chez un patient atteint de cancer

Selon la SFNEP, les apports caloriques conseillés s’élèvent à 30-35 kcal/kg par jour [27]. Ces recommandations ont pour but de maintenir un état nutritionnel adéquat et réduire les risques de cachexie et de dénutrition qui augmentent les complications et la morbidité [27].

5. Conclusion

Les recommandations nutritionnelles sont celles d’une alimentation saine et équilibrée avec des apports adéquats en énergie et protéines. Il reste donc beaucoup de questions en suspens et des études supplémentaires sont indispensables. En effet, ces recherches pourraient présenter à l’avenir des résultats intéressants afin d’améliorer la prise en charge des patients, mais également les traitements pour le cancer. 

Pour conclure, il n’existe pas un régime unique ou idéal pour le traitement du cancer. En effet, chaque cancer affecte le métabolisme à un degré diffèrent, ce qui explique pourquoi l’alimentation doit être adaptée aux besoins individuels. Les apports en glucides et en lipides suivent les recommandations nutritionnelles belges, se focalisant sur alimentation saine et équilibrée et favorisant le maintien d’un état de santé optimal. Les besoins énergétiques et protéiques sont eux basés sur les recommandations de la SFNEP et sont spécifiques à la pathologie du cancer afin de prévenir la dénutrition et la cachexie cancéreuse.

Bibliographie

[1] PRUDHOMME, C., JEANMOUGIN, C., & MOREL, N. (2014). Nouveaux dossiers de l’infirmière : Processus tumoraux, Maloine.  

 

[2] Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (2011). Rapport Nutrition et cancer : rapport d’expertise collective, Edition scientifique. Available at: https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2007sa0095Ra.pdf.

 

[3] International Agency for Research on Cancer (IARC) (2018). Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine. Centre International de Recherche sur le Cancer, Lyon. Retrieved November 11, 2021, from: http://gco.iarc.fr/resources/paf-france_fr.php.

 

[4] NISHIKAWA, H., & al (2021). Cancer cachexia: Its mechanism and clinical significance. International Journal of Molecular Sciences, 22(16), 8491. doi: 10.3390/ijms22168491

 

[5] MUSCARITOLI, M., & al (2017). ESPEN guidelines on definitions and terminology of clinical nutrition. Clinical Nutrition, 36, 49-64. Retrieved November 21, 2021, from: https://www.espen.org/files/ESPEN-guidelines-on-definitions-and-terminology-of-clinical-nutrition.pdf.

 

[6] PAVLOVA, N., & THOMPSON, C. (2016). The emerging hallmarks of cancer metabolism. Cell metabolism, 23(1), 27-47. doi: 10.1016/j.cmet.2015.12.006 

 

[7] LI, Z., & ZHANG, H. (2016). Reprogramming of glucose, fatty acid and amino acid metabolism for cancer progression. Cellular and molecular life sciences: CMLS, 73(2), 377-392. doi : 10.1007/s00018-015-2070-4

 

[8]DOSIMONT, M. (2021). Les glucides, les lipides ou les protéines ? Quels sont les macronutriments à privilégier chez un patient atteint de cancer(s) ? État de la littérature et des connaissances des diététiciens/étudiants en diététique par rapport à cette thématique (TFE), Haute École de la Province de Liège.

 

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[12] JIANG, J., SRIVASTAVA, S., & ZHANG, J. (2019). Starve cancer cells of glutamine: break the spell or make a hungry monster? Cancers Review, 11(6), 804-819. doi: 10.3390/cancers11060804

 

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[25] LI, J-T., & al (2020). BCAT2-mediated BCAA catabolism is critical for development of pancreatic ductal adenocarcinoma. Nature cell biology, 22(2), 167-174. doi: 10.1038/s41556-019-0455-6

 

[26] LIU, K. A., LASHINGER, L. M., RASMUSSEN, A. J., & HURSTING, S. D. (2014). Leucine supplementation differentially enhances pancreatic cancer growth in lean and overweight mice. Cancer & Metabolism, 2, 6. doi: 10.1186/2049-3002-2-6

 

[27] Société Francophone de Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNEP) (2012). Nutrition chez le patient adulte atteint de cancer : recommandations professionnelles de la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme. Retrieved November 13, 2021 from: https://www.sfncm.org/images/stories/Reco_oncologie_final.pdf.

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