« L’arbre à pain » est aussi nommé de cette manière tant il a pu nourrir et sauver des populations entières face aux famines. La châtaigneraie n’est pas un hasard de la nature, mais bien le fruit d’une histoire longue et forte de l’homme avec cet arbre.
Pauline de Voghel, diététicienne agréée. www.paulinedevoghel.be, info@paulinedevoghel.be
Castanea sativa scop. En latin, « sativa » signifie « cultivé ». Au même titre que le blé et le maïs, la châtaigne est en effet cultivée depuis longtemps : sa chair en est presque aussi nutritive. Les premières mentions de la châtaigne apparaissent déjà dans la Grèce antique. La châtaigne du Moyen Âge, au XVIIIème siècle, est une denrée de base pour les populations paysannes qui l’utilisent sous forme de bouillie, de farine pour le pain, de soupe, etc. La connaissance de la châtaigne et de ses propriétés, ainsi que sa consommation ont pourtant décliné avec le temps. Plusieurs facteurs sont en cause : maladies qui déciment des châtaigneraies massives, l’exode rural, son image négative : cette « nourriture du pauvre » et des animaux de la ferme.
Cette plante vivace pousse en touffes au sol dès le printemps. Ensuite, sa hampe florale striée dans la longueur se dresse de 30 cm à 1 mètre de hauteur. Celle-ci se divise en une série de rameaux portant ces grappes caractéristiques, bien fournies, de petites fleurs aux pétales verdâtres ou rougeâtres. Un bel avantage est que cette plante peu fibreuse se consomme toute la belle saison, car ses feuilles ne deviennent jamais vraiment coriaces, même lorsqu’elle a fleuri. Une salade sauvage tendre, même en plein été.
Mais qui n’a pas de souvenirs d’enfance autour de la châtaigne ? Ni le goût d’un après-midi d’automne au coin du feu ? Véritable petite madeleine de Proust, elle prouve une fois de plus que la forêt regorge de succulents trésors.
Pluri-centenaire, le châtaignier est le symbole de longévité chez les Celtes. Son port est majestueux et élancé. Il peut atteindre 10 à 35 mètres de haut et 15 m de large. En Sicile, le châtaignier des Cents Chevaux a plus de 3000 ans et mesure 58 mètres de diamètre.
Pour le reconnaître, observez son écorce d’abord lisse, brillante et gris-brun pâle. Puis avec l’âge, elle devient plus épaisse, marron à grisâtre foncé, rugueuse et fissurée à la verticale. Ses feuilles, qu’il perd en hiver, sont grandes, de 10 à 25 cm de long et assez coriaces. Elles sont ovales, allongées, aiguës au sommet, vertes foncées brillantes et bordées de grandes dents aiguës. Ses fleurs apparaissant en juin-juillet, sont jaune pâle-verdâtre. Les nombreuses fleurs mâles, les chatons, sont dressés au sommet en bouquets. A leurs bases sont portées les fleurs femelles. Les graines, dites les châtaignes, sont en réalité des akènes jaune clair, qui tombent de fin septembre-octobre à début novembre. Elles sont recouvertes d’une peau fine, amère et astringente, appelé tan (riche en tanin), puis d’une seconde peau, la coque brune-marron, mince et coriace, lisse et brillante, ornée d’une petite touffe blanche, la torche. Enfin, les châtaignes, sont contenues par 1 à 5 dans la bogue marron doré à maturité, hérissée densément d’épines minces et s’ouvrant en 4 valves à maturité.
Le châtaignier est présent dans la plupart de nos contrées à climat doux. Il aime les terrains siliceux acides, dépourvus de calcaire, des plaines et des basses montagnes (jusque 1300 mètres d’altitude).
Aliment de choix, très nutritif, alcalinisant et sans gluten, les châtaignes constituaient autrefois la base de l’alimentation des habitants des montagnes siliceuses. Elles sont les plus riches en glucides des graines et fruits sauvages (1,2,6). Grâce à son index glycémique modéré (40 à 60 selon les modes de cuisson), la châtaigne est un excellent féculent.
Composition nutritionnelle pour 100 g de châtaignes
Un châtaignier âgé de 10 ans peut produire 25 à 50 kg, voir 150 kg, de châtaignes par an. On les récolte au sol ou sur filet, quotidiennement, lors de journées ensoleillées d’automne… sans trop tarder car les parasites et les sangliers en sont friands.
Cuites, les châtaignes sont sucrées, aromatiques et savoureuses, farineuses et fondantes. Elles se préparent grillées à la poêle trouée sur la braise, bouillies à l’eau ou encore rôties au four.
Elles sont délicieuses en purée nature, en crèmes sucrées, en confitures, en mousses, en glaces, en soufflés, en soupes, en sauces, en boissons, en succédanés de café, etc.
Elles sont également mises à sécher pour être conservées, en brisures ou farine, base de préparation de pains, galettes, crêpes, biscuits, gâteaux, bouillies, « polenta » corse, etc.
Les feuilles aromatiques sont comestibles, mais sont récoltées suffisamment jeunes pour éviter trop de tanins, donc trop d’astringence. On peut en tapisser le fond d’un plat de légumes à cuire au four.
Les « marrons », grosses châtaignes rebondies, proviennent de variétés greffées pour la culture. On les prépare en « marrons glacés », en crème de marrons ou en marrons au naturel, etc. Ils ne doivent pas être confondus avec les « marrons d’Inde », les graines du Marronnier (Aesculus hippocastanum), qui sont, elles, toxiques.
Éplucher les châtaignes :
Cela demande du temps et de la dextérité. Il peut être opportun et plus agréable de réaliser cette tâche fastidieuse en famille ou entre amis. Dans tous les cas :
Les cuire ensuite à l’eau bouillante pendant 15 à 20 minutes ou à la vapeur (jusqu’à ce qu’elles s’écrasent facilement à la fourchette).
Conserves de châtaignes au naturel :
Pour une hygiène stricte, il faut laver puis ébouillanter les bocaux et les caoutchoucs. Les laisser sécher sur un essuie propre. Disposer 1 kg de châtaignes fraîches pelées dans 3 bocaux de 350 ml (laisser une marge de 2 cm au-dessous du bord). Ajouter 2 c. à s. d’eau dans chaque bocal. Poser les caoutchoucs sur les couvercles, essuyer les bords et fermer. Pasteuriser les bocaux à 90°C pendant 1h30. Les stocker dans un lieu frais à l’abri de la lumière pendant 8 à 10 mois. Conserver quelques jours au frigo, dès ouverture.
Purée de châtaignes :
Écraser les châtaignes cuites et égouttées, au tamis avec une corne de boulangerie ou au presse-purée si elles sont épluchées. Cette purée s’utilise pour des crèmes de châtaignes et des gâteaux fondants. Elle se conserve quelques jours au frigo, dans un récipient hermétique. Sinon, la congeler.
Elle peut être assaisonnée salée ou sucrée : lait vanillé ou miel et eau, cardamome, cannelle, etc.
Fricassée de châtaignes et d’artichauts :
Éplucher et couper 1 petit oignon, 1 carotte, 1 côte de céleri, 1 gousse d’ail, 1 brin de thym, 3 feuilles de laurier. Les cuire dans 1 litre d’eau à feu doux pendant 1h. Filtrer et y faire cuire pendant 25 minutes, 350 g de châtaignes (fendues et ébouillantées 5 minutes).
Éplucher 4 petits artichauts et ne garder que les fonds, à tremper au fur et à mesure dans de l’eau citronnée. Les éponger puis les couper en lamelles d’1 cm d’épaisseur. Les dorer dans de l’huile d’olive à la poêle, des 2 côtés. Absorber l’excédent d’huile. Faire revenir les châtaignes dans un peu d’huile avec 1 brin de romarin.
Potage de châtaignes aux choux de Bruxelles :
Dans une casserole, faire suer 2 oignons finement tranchés avec 3 gousses d’ail dans un peu d’huile d’olive. Nettoyer 150 g de choux de Bruxelles et couper leur base et les ajouter dans la casserole avec 250 g de châtaignes cuites au naturel. Couvrir d’eau et laisser mijoter à feu doux pendant 20 minutes en mélangeant de temps en temps. Mixer finement les ingrédients. Saler et poivrer.
Raviolis à la ricotta et aux châtaignes :
Pâte à raviolis : pétrir ensemble 200 g de farine de froment et 100 g de farine de châtaignes, 3 œufs, 1 c. à s. d’huile d’olive et 1 pincée de sel. Former une boule et laisser reposer pendant 30 minutes. Diviser la pâte en 2 et abaisser finement chaque pâton en rectangle. Former des disques de pâtes à l’aide d’un emporte-pièce et disposer au centre de la moitié des disques, un peu de farce : 250 g de ricotta et 50 g de châtaignes cuites émiettées, écrasées à la fourchette, sel et poivre. Humidifier un peu les bords et y déposer un 2ème disque par-dessus. Bien souder les bords.
Plonger 4-5 minutes les raviolis, dans une casserole d’eau bouillante et bien égoutter.
Mousseline de lentilles et châtaignes :
Cuire 50 g de lentilles corail puis les passer au tamis pour en récolter la purée.
La mélanger avec 4 châtaignes cuites et concassées et une ½ saucisse de Morteau coupée en petits dés. Au dernier moment, incorporer 100 ml de crème fraîche montée en chantilly. Garnir de 4 châtaignes poelées et l’autre moitié de la saucisse coupée en biseau et une peluche de persil plat.
Quiche de châtaignes et girolles :
Cuire 1 pâte feuilletée ou brisée, à blanc, 20 minutes à 180°C.
Disposer ensuite 200 g de châtaignes cuites, pelées et brisées, 200 g de champignons (cèpes ou girolles) sautés à la poêle dans un peu d’huile avec 1 gousse d’ail (ou quelques bulbes d’ail des ours). Couvrir d’un mélange battu : 2 œufs, 200 ml de lait, sel et poivre.
Cuire encore 30 minutes à 180°C.
Compote de châtaignes et pommes à la Reine des prés :
Dans une grande casserole, infuser 3 sommités fleuries de reine des prés (ou autre plante aromatique au choix), dans 100 ml d’eau, pendant 10 minutes. Laisser cuire + 20 minutes, dans cette infusion filtrée, 1 kg de pommes et 500 g de poires toutes épluchées et coupées en morceaux. Mixer selon la consistance souhaitée la compotée avec 500 g de châtaignes épluchées et cuites à l’eau ou à la vapeur et le jus d’un citron.
Verser directement cette compote dans des petits bocaux à confiture propres, les fermer sans attendre, avec leur couvercle propre et intact. Les pasteuriser à 100°C pendant 1h, s’il est nécessaire de les conserver au-delà de quelques jours au frigo. Ces bocaux se conservent un an, dans un endroit frais et sec, à l’abri de la lumière. Dès ouverture, les conserver quelques jours au frigo.
Sablés de châtaignes, sans gluten et sans sucre :
Fouetter énergiquement 100 g d’huile de coco avec 150 g de poudre d’amandes.
Ajouter 1 œuf et 1 un jaune d’œuf puis 150 g de farine de châtaignes, 1 pincée de sel, 1 c. à c. de vanille en poudre, 1 c. à c. de bicarbonate de soude (ou de poudre à lever) et 2 c. à s. d’eau.
Quand tout est bien incorporé, presser dans les mains pour obtenir une pâte compacte et bien humide. Former un long boudin d’environ 5 cm de diamètre. Le rouler dans 50 g de noisettes concassées. Le laisser reposer 1 à 2 h au frigo. Couper des tranches de 0,5 à 1 cm d’épaisseur, à l’aide d’un couteau bien aiguisé. Les placer sur un papier cuisson sur une plaque de four perforée. Laisser cuire 8 à 12 minutes selon l’épaisseur, à 180°C.
Les laisser ensuite refroidir sur une grille à pâtisserie, avant de les déguster.
Carrés de châtaignes, au chocolat et aux noix :
Écraser 350 g de châtaignes cuites et pelées et encore tièdes, sur un tamis, au-dessus d’un saladier.
Bien mélanger avec 100 g de purée de noisettes. Ajouter 2 œufs, 120 g de sucre complet, 1 c. à c. de vanille en poudre, ½ sachet de poudre à lever. Ensuite, ajouter 50 g de cerneaux de noix concassés. Chemiser un petit moule à manqué carré de papier sulfurisé, y verser la moitié de la pâte. Tapisser la surface avec 100 g de chocolat noir fondu au bain-marie, à feu très doux. Ajouter par-dessus l’autre moitié de la pâte. Cuire 20 minutes à 180°C. Puis napper la surface du gâteau avec encore 100 g de chocolat noir fondu au bain-marie. Laisser refroidir sur le plan de travail puis placer au réfrigérateur pour quelques heures avant de découper le gâteau en carrés.
Tiramisu de châtaignes et de poires :
Délayer 150 g de purée de châtaignes dans 150 g de mascarpone, puis ajouter 2 jaunes d’œufs blanchis avec 50 g de sucre. Y incorporer délicatement 2 blancs d’œufs montés en neige.
Dresser les tiramisus : tremper 8 boudoirs dans de la purée de châtaignes délayée dans un peu d’eau, les déposer dans le fond de 6 verres, recouvrir de 2 poires taillées en fines lamelles, puis de l’appareil à mascarpone. Réserver au frigo et avant de servir, saupoudrer de cacao en poudre.
Sont utilisés du châtaignier : bourgeons, feuilles, fleurs, fruits, bogues et bois (8,10,12,17).
Indications du châtaignier :
Bibliographie
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3/ Fitter, R., Fitter A., Blamey, M. (2002). Guide des fleurs sauvages. Delachaux et Niestlé SA.
4/ Grollimund, M. (2007). L’almanach des fleurs sauvages. Delachaux et Niestlé SA.
5/ Louis, L. (2011). L’appel gourmand de la forêt. Paris : La plage.
6/ Couplan, F. (2010). Cuisine sauvage, accommoder mille plantes oubliées. Sang de la terre.
7/ Crawford, M. (2017). La forêt-jardin. Ulmer
8/ De Hody, C. (2018). Les bienfaits des arbres. E/P/A
9/ Le Floc’h Soye, Y. (2005). Le verger dans l’assiette. Solar
10/ Macheteau, S. (2016). Secrets et remèdes d’Hildegarde de Bingen. Rustica éditions
11/ Bernard, N., Brunner, A., Clea, Denault, F., Geers, A., Degorce, O. & Nagy-Kochmann, N. (2008). L’atelier bio – Ingrédients, recettes et savoir-faire. Paris : La plage
12/ WikiPhyto, L’encyclopédie de la Phytothérapie. (2022). Accueil. Retrived from wikiphyto.org
14/ Cuisine sauvage asbl. Découvrez les plantes comestibles. Retrived from www.cuisinesauvage.be
15/ Le chemin de la nature. Nos formations en ligne. Retrived from www.lechemindelanature.com
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17/ Andrianne, P. (2002). La gemmothérapie. Médecine des bourgeons. Amyris