L’alimentation semble être un aspect largement négligé dans la prise en charge de la maladie de Parkinson, pourtant, elle peut jouer un rôle important dans la gestion des symptômes et la prévention des complications. Ce travail étudie les manières d’optimiser l’alimentation des patients souffrant de la maladie de Parkinson en fonction des situations à travers leur information et leur sensibilisation.
Inès Baccouch, diététicienne agréée, diététicienne à Prev’Santé MEL (Lille)
Outre ses symptômes classiques (tremblements, rigidité, bradykinésie, instabilité posturale)1, la maladie de Parkinson a des conséquences alimentaires. Qu’elles soient directes (constipation, gastroparésie, dysphagie) ou indirectes (ostéoporose – la dopamine intervient dans le métabolisme osseux – ou anosmie). La conséquence générale est une diminution de l’apport calorique et une perte de poids avec une incidence sur tous les aspects du métabolisme ainsi que sur la thérapeutique en diminuant l’absorption de la lévodopa (substance active du traitement de la maladie de Parkinson), entraînant un cercle vicieux qu’il est important d’essayer de rompre.2, 3
Cependant, des effets paradoxaux peuvent s’observer comme une prise de poids par stimulation de l’appétit due à la lévodopa ou par arrêt de l’exercice musculaire. Dans tous les cas, la balance énergétique est déséquilibrée avec des conséquences particulièrement néfastes.
En Belgique comme en France, la maladie de Parkinson est reconnue comme une pathologie lourde dont les soins sont pris en charge en totalité par les pouvoirs publics. Son traitement associe généralement de nombreux intervenants de spécialités diverses. Rien ne s’oppose donc, théoriquement, à l’intervention personnalisée d’un·e diététicien·ne au sein de l’équipe pluridisciplinaire. C’est pourtant rarement le cas. Il s’agit plus d’un oubli, d’une méconnaissance, que d’un rejet de la part du corps médical.
L’intervention du diététicien implique une démarche d’évaluation de l’état nutritionnel au moment du diagnostic et régulièrement par la suite, en particulier en cas de fluctuations motrices ou de perte de poids. La prise en charge diététique repose sur la gestion des symptômes et la prévention des complications. Les besoins du patient parkinsonien correspondent aux recommandations nutritionnelles pour la Belgique (CSS 2016).
L’alimentation méditerranéenne :
Les études tendent à démontrer que l’alimentation méditerranéenne réduit4, par ses aspects anti-oxydants, anti-inflammatoires et neuroprotecteurs, la progression de la maladie. Il convient d’y associer une activité physique à intensité modérée qui permet l’entretien de la masse musculaire et de la santé cardiaque. Doit s’y ajouter une notion de convivialité lors des repas, qui participe à une réduction du stress et une amélioration de l’humeur.
Les tremblements et la rigidité musculaire peuvent rendre difficile l’utilisation de couverts. Le finger food, qui consiste à manger avec les mains, permet au patient de continuer à s’alimenter en autonomie, de manière ludique.
Prise en charge diététique des symptômes :
La L-DOPA :
La L-DOPA est le traitement médicamenteux de premier choix pour la maladie de Parkinson. La posologie, ainsi que l’intervalle entre les prises et le nombre de prises, sont déterminés par le médecin, et varient d’un individu à l’autre, en fonction de l’intensité des symptômes.
Elle entre en compétition avec les protéines alimentaires mais doit être ingérée à horaires fixes. Il faut donc décaler la prise de repas protéinés (1 heure) et éventuellement proposer une redistribution des apports en protéines, en les diminuant le matin et le midi, et en les majorant le soir.9 L’administration de la L-DOPA implique une surveillance des taux sériques des vitamines du groupe B, afin de prévenir les carences et une hyperhomocystéinémie10.
Les anti-oxydants :
Le stress oxydatif participe activement à la dégénérescence neuronale11. Une alimentation équilibrée comble les besoins en anti-oxydants, et la supplémentation en produits naturels n’est pas nécessaire. C’est le rôle du diététicien de rappeler qu’il n’y a pas de « remèdes naturels » capables de guérir ou ralentir la progression de la maladie.
Une étude belge (Baert, 2020)12 a analysé les habitudes alimentaires et les connaissances de 74 patients parkinsoniens. Elle constate que plus de la moitié des patients (55,4%) a effectué des changements dans son alimentation après le diagnostic, souvent suite à des complications telles que la constipation, la dysphagie ou la perte d’odorat. Pourtant, ils ne sont que 11% à avoir consulté un diététicien par rapport à leur maladie. De plus, l’étude révèle que seuls 18,2% des patients prennent toutes leurs doses de Lévodopa en dehors des repas. Cette étude met en lumière la problématique suivante : les patients parkinsoniens savent-ils que leur alimentation peut avoir un impact positif sur leur maladie, et savent-ils comment l’optimiser ?
L’objectif pratique de ce TFE était d’informer les patients parkinsoniens et de les sensibiliser aux bénéfices d’une alimentation équilibrée et adaptée à leur pathologie.
La création d’un questionnaire a permis de mener une enquête auprès de patients souffrant de la maladie de Parkinson afin d’estimer s’ils étaient déjà sensibilisés ou non à l’alimentation adaptée (en fonction de leurs réponses sur leurs habitudes, leurs symptômes, leur avis sur les effets de l’alimentation sur la maladie, etc.). Pour approfondir ces questions et amorcer une sensibilisation, dix patients ont été contactés par téléphone. La majorité pense que l’alimentation peut avoir un impact positif sur leur maladie, et s’est montrée très réceptive à ce premier travail de sensibilisation.
Sur base des résultats dégagés du questionnaire, sept fiches formant un livret ont vu le jour. Le contenu des fiches est très général, puisqu’il ne devait pas se substituer à une prise en charge diététique, mais simplement informer les patients et les orienter vers le professionnel de santé le plus adapté. Le livret évoque l’alimentation méditerranéenne, la constipation, le finger food, la Lévodopa et les protéines, la perte de poids involontaire, les compléments alimentaires et les associations en Belgique. Aujourd’hui, ce livret est distribué aux patients de l’Association Parkinson Belgique dans plusieurs antennes du Hainaut.
Bien que le TFE soit terminé, un contact est maintenu avec cette association, qui peut désormais proposer à ses membres des ateliers, buffets et animations, créés par l’autrice.
Au travers de ce travail, toutes les manières d’aider les patients parkinsoniens grâce à une alimentation adaptée ont été explorées. En se basant sur la littérature et sur le retour des patients, il apparaît aujourd’hui clairement qu’une prise en charge diététique a toute sa place dans la gestion de la maladie de Parkinson. Elle peut effectivement répondre aux problématiques des patients et semble correspondre au désir de ces derniers. Pourtant, elle est loin de faire partie des mesures thérapeutiques systématiquement présentées aux patients, qui ne sont pas du tout sensibilisés aux bienfaits de l’alimentation adaptée. L’effort de sensibilisation entamé dans ce TFE doit être poursuivi pour améliorer la santé et les conditions de vie des personnes souffrant de cette maladie. En effet, de nombreux symptômes, effets secondaires des médicaments et complications, peuvent être soulagés voire résolus grâce à l’alimentation, ce que beaucoup de patients ignorent. L’intérêt d’une prise en charge diététique personnalisée et spécifique est donc prouvé. Il semble que des efforts supplémentaires doivent être déployés pour former les professionnels de la diététique et mettre en place des lignes directrices pour guider leur pratique. Il faudra également sensibiliser les autres professionnels de santé afin qu’ils puissent être capables de rediriger leurs patients parkinsoniens vers des diététiciens.
Bibliographie
1/ Jankovic, J. (2008). Parkinson’s disease : clinical features and diagnosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 79 (4), 368-76. doi: 10.1136/jnnp.2007.131045
2/Sheard JM and al. (2011) Prevalence of malnutrition in Parkinson’s disease : a systematic review. Nutrition Reviews. 201169 (9):520-32. doi: 10.1111/j.1753-4887.2011.00413.x
3/Ma K. and al (2018). Weight Loss and Malnutrition in Patients with Parkinson’s Disease: Current Knowledge and Future Prospects. Frontiers in aging neuroscience. 19, 10:1. doi:10.3389/fnagi.2018.00001
4/ Mischley LK, Lau RC, Bennett RD. (2017). Role of Diet and Nutritional Supplements in Parkinson’s Disease Progression. Oxidative Medicine and Cellular Longevity :6405278. doi:10.1155/2017/6405278.
5/ Prevention. International osteoporosis foundation. https://www.osteoporosis.foundation/health-professionals/prevention
6/ Camilleri M. and al. (2013) American College of Gastroenterology. Clinical guideline: management of gastroparesis. American journal of gastroenterology 108(1):18- quiz 38. doi: 10.1038/ajg.2012.373.
7/ Troubles gastriques. Parkinson Quebec. https://parkinsonquebec.ca/maladie-deparkinson/symptomes/troubles-gastriques/
8/Emilia Michou & Shaheen Hamdy (2010) Dysphagia in Parkinson’s disease: a therapeutic challenge ? Expert Review of Neurotherapeutics, 10:6, 875-878, DOI:10.1586/ern.10.60
9/ Rusch, C., Flanagan, R., Suh, H. et al. To restrict or not to restrict? Practical considerations for optimizing dietary protein interactions on levodopa absorption in Parkinson’s disease. npj Parkinsons Dis. 9, 98 (2023). https://doi.org/10.1038/s41531-023-00541-w
[1]0/ Hu XW, Qin SM, Li D, Hu LF, Liu CF.(2013) Elevated homocysteine levels in levodopa-treated idiopathic Parkinson’s disease: a meta-analysis. Acta neurologica scandinavica 128(2):73-82. doi: 10.1111/ane.12106
11/ Puspita L, Chung SY, Shim JW. (2017) Oxidative stress and cellular pathologies in Parkinson’s disease. Molecular brain 10(1):53. doi: 10.1186/s13041-017-0340-9
12/ Baert F. and al. (2020) Dietary Intake of Parkinson’s Disease Patients. Frontiers in nutrition 7:105. doi: 10.3389/fnut.2020.00105