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Journée d'Etude 2021

Activité physique et prébiotiques: une combinaison prometteuse dans la prise en charge des altérations métaboliques chez le sujet souffrant d’obésité ?

Cibler le microbiote intestinal est une nouvelle approche thérapeutique dans la prise en charge des altérations métaboliques liées à l’obésité. Combiner une activité physique à une supplémentation en prébiotiques, deux stratégies permettant de moduler la composition du microbiote, pourrait augmenter le succès des interventions nutritionnelles chez le sujet obèse.

Julie Rodriguez, Chargée de recherche, Louvain Drug Research Institute, UCLouvain.

1/ Le microbiote intestinal, un régulateur du métabolisme de l’hôte.

Le rôle du microbiote intestinal (MI) dans la santé de l’Homme est devenu de plus en plus évident au vu de son implication dans la régulation de grandes fonctions physiologiques (immunité, appétit ou métabolisme). Plusieurs facteurs influencent la composition et/ou la fonction du MI dès la naissance et tout au long de notre vie (régime alimentaire, activité physique ‘AP’, médicaments, etc.) (Cresci and Bawden 2015). Parmi eux, l’alimentation est certainement un des plus importants puisque la composition du MI varie énormément entre différentes populations, cultures ou régimes alimentaires. Par exemple, le MI d’individus consommant une alimentation riche en graisses et protéines animales sera dominé par les Bacteroides alors que celui des individus avec une alimentation riche en carbohydrates aura une plus forte abondance de Prevotella (Wu et al. 2011). La consommation à court terme d’aliments spécifiques peut aussi avoir un impact sur la composition de notre MI (Hiel et al. 2019). L’alimentation influence également la nature des métabolites produits par le MI (Delzenne et al. 2020). Ainsi, le métabolome, ensemble des métabolites, des individus suivant un régime vegan va être bien différent de celui des omnivores. Parmi les métabolites bioactifs d’origine bactérienne, on retrouve les acides gras à chaîne courte (AGCC), produits par le MI suite à la fermentation des polysaccharides et qui exercent de nombreux effets bénéfiques sur l’organisme (Canfora et al. 2015). Enfin, les troubles nutritionnels et les désordres métaboliques sont liés à des altérations du MI (Cotillard et al. 2013, Le Chatelier et al. 2013). Une diminution des genres bactériens qui produisent des AGCC, tels que le butyrate, est souvent retrouvée dans le MI de sujets atteints de désordres métaboliques (Delzenne et al. 2015). Cependant, il est assez difficile d’établir une signature bactérienne précise pour chaque pathologie, en raison de nombreux facteurs confondants. Parmi eux, les différents niveaux et type d’AP réalisés par les sujets pourraient complexifier les analyses, ce qui nous amène à nous intéresser de plus près à l’impact de l’AP sur le MI.

2/ L’activité physique influence la composition du microbiote intestinal.

Quelques études ont récemment évalué l’impact de l’AP sur notre MI. Un changement de la composition du MI de joueurs de rugby professionnels comparé à celui de sujets sédentaires a été observé (Clarke et al. 2014, Barton et al. 2018). Ces différences concernent principalement la diversité bactérienne et la production d’AGCC. Cependant, l’interprétation des données reste complexe au vu du régime alimentaire très différent d’athlètes de haut niveau versus des sujets non entraînés. D’autres études ont donc été réalisées chez des personnes réalisant un moindre effort pour éviter ces écarts trop importants. Une étude démontre une plus grande abondance de bactéries dites bénéfiques pour la santé dans le MI de femmes pré-ménopausées réalisant le minimum d’AP requis par l’OMS, comparé à des femmes qui ne pratiquent aucune AP (Bressa et al. 2017). Ces bactéries sont Faecalibactérium prausnitzii et Roseburia hominis (productrices de butyrate) ou Akkermansia muciniphila (associée à des effets positifs sur la barrière intestinale et l’amélioration de paramètres métaboliques liés à l’obésité). Dans ce travail, les femmes actives ont consommé plus de fibres comparées aux femmes sédentaires. Or, certaines fibres fermentescibles sont les substrats privilégiés de nombreuses bactéries intestinales, ce qui rend encore l’interprétation des données confuse. Enfin, il semblerait que les effets de l’AP sur le MI dépendent du statut métabolique des participants (Allen et al. 2018).

Les études précliniques sont donc nécessaires pour comprendre le réel impact de l’AP sur le MI dans des modèles plus contrôlés où l’alimentation peut être standardisée. L’exercice volontaire chez la souris prévient l’obésité induite par un régime riche en graisses et modifie la composition du MI qui pourrait être le médiateur  pour limiter la prise de poids (Evans et al. 2014). D’autres données in vivo confirment que l’exercice altère la composition du MI de manière différente selon le statut métabolique des animaux (diabétiques versus contrôles) (Lambert et al. 2015). Enfin, les modèles précliniques mettent en évidence des effets différents sur le MI en fonction du type d’activité (volontaire ou forcée à une intensité modérée) (Allen et al. 2015). Le MI serait aussi un déterminant clé pour les effets bénéfiques de l’AP sur le métabolisme du glucose et la sensibilité à l’insuline (Liu et al. 2020). Une récente étude montre une variabilité de réponse sur la régulation de la glycémie suite à un entraînement de 12 semaines chez des sujets prédiabétiques. Ces données indiquent que les individus « répondeurs » ont un MI qui possède une plus grande capacité à produire les AGCC et un meilleur catabolisme des acides aminés branchés. De plus, l’inoculation des souris avec le MI des répondeurs imitent les effets de l’AP sur l’amélioration de la résistance à l’insuline de ces souris obèses, mettant en avant le rôle causal du MI dans le contrôle de la glycémie en réponse à l’AP.

3/ La pratique d’une activité physique optimise la réponse métabolique à une intervention nutritionnelle ciblant le microbiote intestinal.

Des altérations du MI sont donc associées à des situations pathologiques de désordres métaboliques. Dans ce contexte, il semble judicieux de cibler le MI via différentes stratégies. Une d’entre elles est l’utilisation de prébiotiques, des substrats issus de notre alimentation et utilisés sélectivement par des bactéries pour induire un bénéfice pour l’hôte (Gibson et al. 2017). Parmi ces prébiotiques, on trouve les fructanes de type inuline (qui est une fibre fermentescible) (Roberfroid 2005), dont de nombreux effets bénéfiques ont été observés dans des modèles d’obésité chez le rongeur (amélioration de la fonction barrière, de l’inflammation systémique, de l’accumulation de masse grasse, de l’intolérance au glucose ou encore de l’hypertriglycéridémie postprandiale (Rodriguez and Delzenne 2021)). Cependant, ces effets restent assez confus chez l’homme, en raison d’une importante variabilité interindividuelle. Dans le groupe de recherche en métabolisme et nutrition de l’UCLouvain, nous avons tenté de comprendre pourquoi les individus obèses ne répondent pas de la même manière à une supplémentation en inuline. Nous avons observé que plusieurs facteurs influencent la réponse métabolique de l’inuline (la composition initiale du MI (Rodriguez et al. 2020), ou la prise de metformine (Hiel et al. 2018)). Sachant que l’AP peut modifier le MI, nous avons émis l’hypothèse que les niveaux différents d’AP pratiqués par les participants au cours d’une intervention à base de prébiotiques pourraient influencer leurs effets sur le métabolisme. Nous avons évalué l’AP volontaire de participants obèses impliqués dans un protocole clinique randomisé avec groupe placebo, visant à évaluer l’impact d’une supplémentation en inuline (extrait d’inuline + légumes riches en fructanes) sur le MI ainsi que sur de nombreux paramètres cliniques. (Rodriguez et al. 2022). Nos données indiquent que l’inuline induit un bénéfice santé seulement quand les sujets augmentent spontanément leur AP durant le protocole, comparés à ceux qui ne changent pas leurs habitudes. Les sujets qui pratiquaient plus d’exercice en parallèle de la supplémentation en inuline avaient une nette amélioration de l’indice de masse corporelle, des enzymes hépatiques, du cholestérol total et des index de résistance ou sensibilité à l’insuline. De plus, nous avons constaté que les symptômes gastrointestinaux liés à la prise d’inuline, fibre fermentescible, étaient observés chez les sujets supplémentés mais nettement moins présents chez ceux qui augmentaient leur AP durant le protocole, indiquant une meilleure tolérance aux fibres. Enfin, la régulation des bifidobactéries, (bactéries capables de dégrader l’inuline et de l’utiliser comme substrat), montre que ces bactéries prolifèrent significativement après la supplémentation en inuline seulement dans le MI de participants qui augmentent leur AP. En parallèle, une étude préclinique chez des rongeurs nourris avec un régime riche en graisses confirme que seule la combinaison des deux stratégies (inuline + exercice volontaire des roues d’activité) permet une amélioration de la tolérance au glucose après une charge orale en glucose.

Conclusion

Il apparait clairement que l’AP a un impact sur notre MI mais il est assez difficile d’évaluer les effets spécifiques de l’AP en raison des nombreux paramètres à contrôler. Toutefois, il est intéressant de voir dans une population spécifique que la pratique d’une AP peut complètement changer la réponse métabolique à une intervention nutritionnelle basée sur une approche ciblant le MI (voir figure). De plus, pratiquer une AP aiderait les participants à mieux tolérer certaines fibres, souvent peu consommées en raison des effets indésirables (flatulences, ballonnements) qu’elles peuvent provoquer. Combiner une AP systématiquement à la supplémentation en prébiotiques peut alors être une bonne stratégie pour optimiser les bénéfices des fibres sur la santé des sujets atteints d’obésité.

Bibliographie

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