Le Nutri-Score, c’est ce logo coloriel en face avant des emballages présent en Belgique depuis 2018. L’algorithme qui sous-tend son calcul a fait l’objet de modifications, qui sont entrées en vigueur ce 1er janvier 2024.
Dans sa nouvelle version, le Nutri-Score permet un meilleur alignement avec les Food-Based Dietary Guidelines (FBDG) (recommandations nutritionnelles) des différents pays européens l’ayant adopté.
Zoom sur ses changements récents et son utilité en matière de santé publique, et pour les diététicien·ne·s.
Hélène Alexiou, diététicienne agréée, maître-assistante à la HE Vinci et membre du Comité Scientifique du Nutri-Score.
Le Nutri-Score est un logo visuel en face avant des emballages, facilement reconnaissable par tous, et représenté par une échelle à 5 couleurs (vert foncé à orange foncé). Chaque couleur est associée à une lettre, représentant la qualité nutritionnelle du produit : le vert foncé est associé à la lettre A (la qualité nutritionnelle la plus favorable) et l’orange foncé est associé à la lettre E (une qualité nutritionnelle plus défavorable).
L’objectif du Nutri-Score est de traduire les chiffres de la déclaration nutritionnelle – incompréhensibles pour la plupart des consommateurs qui n’ont pas de repères nutritionnels pour interpréter ces valeurs – en quelque chose de simple et compréhensible.
Les consommateurs sont souvent perdus face aux chiffres énoncés dans ce tableau. Quelle valeur donner en effet à un paquet de céréales petit-déjeuner contenant 1g de sel/100g par exemple ?
Le but du Nutri-Score est donc d’aider les consommateurs à reconnaître la qualité nutritionnelle globale des aliments. Ceci leur permet de comparer, sur une base relative, la qualité d’aliments qui sont comparables en termes de consommation (ex : comparer différents types de céréales petit-déjeuner), et donc d’orienter leurs choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle. Il encourage également les fabricants à améliorer la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire, via des reformulations et innovations. Il est actuellement mentionné sur base volontaire par les industriels, producteurs et distributeurs.
Le Nutri-Score constitue donc un outil précieux pour le diététicien, afin de l’aider à orienter ses patients dans le choix d’aliments plus sains.
Des outils de communication ont été développés en France1 et en Belgique2, afin d’en faciliter sa compréhension.
Il convient de noter avant tout, que le Nutri-Score, dans sa 1ère version, affichait déjà une cohérence raisonnable avec les FBDG actuels.
La mise à jour de l’algorithme du Nutri-Score a cependant permis de corriger certaines limites identifiées, permettant ainsi une meilleure différenciation des produits d’une même catégorie (mieux répartis dans les catégories A à E), et un meilleur alignement avec les FBDG des différents pays l’ayant adopté.
Parmi les changements, on peut citer une augmentation des points attribués aux éléments défavorables (sucres, sel), et une modification de l’allocation des points pour les fibres et les protéines.
L’algorithme mis à jour adopte une approche plus stricte pour les produits à forte teneur en sel ou pour les produits sucrés, mais également vis-à-vis de constituants préoccupants, tels que les édulcorants dans les boissons. Les produits avec de faibles niveaux de constituants alimentaires favorables ont été systématiquement déplacés vers des cotes moins favorables.
Du côté des huiles et fruits à coque, un algorithme différent de celui des aliments solides a permis une meilleure différenciation et répartition des huiles entre les catégories A à E, en fonction de leur teneur en acides gras saturés. L’huile d’olive sera dorénavant scorée B ainsi que les huiles végétales à faible teneur en acides gras saturés (colza, noix, huile de tournesol oléique, entre autres). Le beurre et l’huile de coco restent quant à eux dans la catégorie E.
Les fruits à coque rentrent également dorénavant dans l’algorithme des huiles, étant donné leur teneur en lipides élevée. Une meilleure discrimination sera également présente pour les noix et graines sans sel ni sucres ajoutés (classés A ou B).
Pour les autres groupes d’aliments, la classification reste généralement inchangée.
Du côté des boissons, bien que le Comité Scientifique ait estimé que la classification précédente soit globalement adéquate, certaines catégories méritaient une amélioration, notamment les boissons lactées à forte teneur en sucres et les boissons contenant des édulcorants4.
Les modifications suivantes ont été effectuées :
Les modifications apportées sont détaillées dans 2 rapports publiés par le Comité Scientifique du Nutri-Score 3,4.
Ces modifications sont le résultat du travail d’un groupe de coordination transnationale, mis en place début 2021, pour faciliter l’utilisation du Nutri-Score entre les différents pays l’ayant adopté (7 pays). Ce groupe réunit un comité de pilotage ainsi qu’un comité scientifique.
Ce dernier est constitué de 13 experts indépendants (en nutrition, épidémiologie et santé publique) des pays engagés, et qui ont travaillé sur la modification de l’algorithme. La mission principale du comité scientifique est de s’assurer que l’algorithme intègre les dernières connaissances scientifiques, afin d’avoir un meilleur alignement avec les différentes recommandations nationales en matière d’aliments.
Globalement, le système de calcul, qui fonctionnait déjà relativement bien, a gardé sa cohérence par rapport à la classification des produits alimentaires, tout en corrigeant certaines limites identifiées pour le Nutri-Score, et en améliorant l’alignement entre le système et les FBDG des 7 pays l’ayant adopté.
Le Nutri-Score a été développé par une équipe de chercheurs indépendants en France en 20145, et a été officiellement introduit en France en 2017. D’autres pays européens l’ont depuis lors adopté, tels que la Belgique (en 2018), la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Espagne.
L’algorithme de calcul du Nutri-Score prend en compte les données de composition nutritionnelle présentes dans la déclaration nutritionnelle obligatoire, ou dans la liste des ingrédients. Ceci permet une totale transparence par rapport à l’adéquation de l’attribution du code couleur du Nutri-Score.
L’algorithme du Nutri-Score (différent pour les aliments solides, les huiles et fruits à coque et les boissons) reflète, par 100 g de produit (ou 100ml pour les liquides), la balance entre des éléments positifs (fibres, protéines, % de fruits, légumes et légumineuses) et des éléments négatifs pour la santé (énergie, sucres, acides gras saturés et sel). Le score nutritionnel, obtenu par soustraction de la somme des positifs à celle des points négatifs, permet de donner une valeur unique et globale de la qualité nutritionnelle de l’aliment.
Le Nutri-Score a fait l’objet d’un processus scientifique rigoureux tant dans l’élaboration de l’algorithme que de la validation du format graphique et de l’algorithme de classement des aliments et de sa capacité à attirer l’attention du consommateur et à être compréhensible6.
Il a notamment été démontré que Nutri-Score est le logo le plus efficace pour améliorer la capacité des consommateurs à correctement classer les aliments en fonction de leur valeur nutritionnelle, comparé à d’autres logos, dans des études regroupant plus de 12,000 participants dans 12 pays européens7.
De nombreuses études ont montré que la présence du Nutri-Score impacte le comportement d’achat et améliore la qualité nutritionnelle du panier d’achat, et ceci au sein de diverses populations, dont des sujets plus à risque (avec des niveaux socio-économiques plus bas, des étudiants, ou des sujets avec maladies chroniques)8-12.
Ces études ont été menées dans des supermarchés ‘virtuels’, mais des données sont également issues d’études réalisées dans des magasins expérimentaux, pour tester l’impact de logos sur les achats en “situation réelle”13.
Contexte européen « fragile » :
En mai 2020, dans le cadre de son plan stratégique « Farm to Fork » (« de la ferme à la table »)14, et de la révision future de la réglementation INCO, la Commission Européenne a annoncé son intention d’adopter un logo nutritionnel simplifié en face avant des emballages obligatoire et harmonisé en Europe.
Il faut savoir que d’autres logos existent également en Europe, tels que le système des feux tricolores au Royaume-Uni ou encore le « verrou vert » dans les pays nordiques.
En 2022, le JRC, Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne, a publié un rapport scientifique, relatif aux systèmes d’étiquetage nutritionnels en face avant des emballages. L’objectif de ce rapport étant d’analyser la compréhension des consommateurs vis-à-vis des systèmes d’étiquetage en face avant, leur utilisation ou encore leur effet sur leur comportement d’achat. Parmi les éléments mis en évidence, on retrouve que les consommateurs apprécient d’avoir un moyen simple et efficace les informant de la valeur nutritionnelle d’un produit, la présence de couleurs (visibilité, stimule l’attention), la simplicité du logo et leur caractère interprétatif. Des études montrent que la présence de logos en face avant peut avoir un impact positif sur les apports des consommateurs15.
Le Nutri-Score répond à toutes les caractéristiques développées dans ce rapport, en termes d’utilité et d’efficacité pour les consommateurs.
Cependant, un lobbying puissant est opposé au Nutri-Score, et retarde, au niveau européen, la décision que la Commission devait initialement rendre début 2023. Ce blocage est en particulier mené par le gouvernement et l’industrie agro-alimentaire italiens, qui actent pour éviter l’adoption du Nutri-Score. Le logo pénalise en effet de nombreux produits de la gastronomie italienne, tels que les jambons, fromages etc.
Ces actions vont à l’encontre de l’opinion scientifique en Europe, au sein de laquelle de très nombreux scientifiques et sociétés savantes soutiennent le Nutri-Score.
La demande sociétale, en relation avec les enjeux en matière de santé publique et la nécessité de pouvoir amener de la transparence vis-à-vis du panier d’achat des consommateurs, est présente aussi. Le BEUC (Bureau Européen des Unions de Consommateurs) et les ONG telles que FoodWatch supportent le Nutri-Score.
Le Nutri-Score un logo nutritionnel en face avant des emballages simple, clair, et efficace, qui permet de guider les consommateurs vers des choix alimentaires plus sains.
Ce score nutritionnel a vu son algorithme mis à jour depuis le 1er janvier 2024.
Ces changements corrigent certaines limites identifiées, et renforcent la cohérence globale du système et l’adéquation avec les différentes recommandations alimentaires des pays l’ayant adopté.
En aidant les consommateurs à être correctement informés par rapport à la qualité nutritionnelle des produits qu’ils consomment, c’est un outil qui présente un intérêt majeur en santé publique, et en particulier pour le diététicien.
Dans le contexte européen actuel, il faut espérer que la force de l’argumentation scientifique mènera à des décisions politiques mettant la santé publique à l’honneur.
Bibliographie
1/Blog Nutri-Score de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN) Inserm/Inrae/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord (2022, 08 octobre). Fiches pédagogiques et vidéos sur le Nutri-Score (en français).
https:// nutriscore.blog/2022/10/08/fiches-pedagogiques-et-videos-sur-le-nutri-score-en-francais/
2/Service Public Fédéral Santé publique. Outils de Communication. https://www.health.belgium.be/fr/le-nutri-score.
3/Scientific Committee of the Nutri-Score (2022). Update of the Nutri-Score algorithm – Update report from the Scientific Committee of the Nutri-Score 2022. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score/documents/rapport-2022-sur-les-modifications-de-l-algorithme-de-calcul-pour-les-aliments-solides-proposees-par-le-comite-scientifique-du-nutri-score.
4/Scientific Committee of the Nutri-Score (2023). Update of the Nutri-Score algorithm for beverages. Second update report from the Scientific Committee of the Nutri-Score V2-2023. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/documents/rapport-synthese/update-of-the-nutri-score-algorithm-for-beverages.-second-update-report-from-the-scientific-committee-of-the-nutri-score-v2-2023.
5/Hercberg, S. (2014). Propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la Stratégie nationale de santé – 1ère partie : mesures concernant la prévention nutritionnelle. 128.
6/Hercberg, S., Touvier, M., Salas-Salvado, J., & Group of European scientists supporting the implementation of Nutri-Score in Europe (2022). The Nutri-Score nutrition label. International journal for vitamin and nutrition research. Internationale Zeitschrift fur Vitamin- und Ernahrungsforschung. Journal international de vitaminologie et de nutrition, 92(3-4), 147–157. https://doi.org/10.1024/0300-9831/a000722
7/Egnell, M., Talati, Z., Galan, P., Andreeva, V. A., Vandevijvere, S., Gombaud, M., Dréano-Trécant, L., Hercberg, S., Pettigrew, S., & Julia, C. (2020). Objective understanding of the Nutri-score front-of-pack label by European consumers and its effect on food choices: an online experimental study. The international journal of behavioral nutrition and physical activity, 17(1), 146. https://doi.org/10.1186/s12966-020-01053-z
8/Crosetto, P., Lacroix, A., Muller, L., Ruffieux, B (2017). Modification des achats alimentaires en réponse à cinq logos nutritionnels, Cahiers de Nutrition et de Diététique,52(3), 129-133. https://doi.org/10.1016/j.cnd.2017.04.002.
9/Finkelstein, E. A., Ang, F. J. L., Doble, B., Wong, W. H. M., & van Dam, R. M. (2019). A Randomized Controlled Trial Evaluating the Relative Effectiveness of the Multiple Traffic Light and Nutri-Score Front of Package Nutrition Labels. Nutrients, 11(9), 2236. https://doi.org/10.3390/nu11092236
10/Egnell, M., Boutron, I., Péneau, S., Ducrot, P., Touvier, M., Galan, P., Buscail, C., Porcher, R., Ravaud, P., Hercberg, S., Kesse-Guyot, E., & Julia, C. (2019). Front-of-Pack Labeling and the Nutritional Quality of Students’ Food Purchases: A 3-Arm Randomized Controlled Trial. American journal of public health, 109(8), 1122–1129. https://doi.org/10.2105/AJPH.2019.305115
11/Egnell, M., Boutron, I., Péneau, S., Ducrot, P., Touvier, M., Galan, P., Buscail, C., Porcher, R., Ravaud, P., Hercberg, S., Kesse-Guyot, E., & Julia, C. (2021). Randomised controlled trial in an experimental online supermarket testing the effects of front-of-pack nutrition labelling on food purchasing intentions in a low-income population. BMJ open, 11(2), e041196. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2020-041196
12/Egnell, M., Boutron, I., Péneau, S., Ducrot, P., Touvier, M., Galan, P., Fezeu, L., Porcher, R., Ravaud, P., Hercberg, S., Kesse-Guyot, E., & Julia, C. (2022). Impact of the Nutri-Score front-of-pack nutrition label on purchasing intentions of individuals with chronic diseases: results of a randomised trial. BMJ open, 12(8), e058139. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2021-058139.
13/Dubois, P., Albuquerque, P., Allais, O., Bonnet, C., Bertail, P., Combris, P., Lahlou, S., Rigal, N., Ruffieux, B. & Chandon, P. (2021). Effects of front-of-pack labels on the nutritional quality of supermarket food purchases: evidence from a large-scale randomized controlled trial. J Acad Mark Sci. 49, 119–138. https://doi.org/10.1007/s11747-020-00723-5.
14/European Commission. https://food.ec.europa.eu/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en.
15/Nohlen, H., Bakogianni, I., Grammatikaki, E., Ciriolo, E., Pantazi, M., Alves Dias, J., Salesse, F., Moz Christofoletti, M., Wollgast, J., Bruns, H. Dessart, F.J., Marandola, G. & Van Bavel, R. Front-of-pack nutrition labelling schemes: an update of the evidence, EUR 31153 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2022, ISBN 978- 92-76-55032-7, doi:10.2760/932354, JRC130125