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Travail de fin d'études

Traiter la sélectivité alimentaire liée à l'autisme par la méthode du Food-Chaining appliquée en milieu scolaire

Les enfants présentant un Trouble du Spectre Autistique (TSA) manifestent fréquemment de la sélectivité alimentaire, occasionnant un risque accru de carences nutritionnelles. La méthode du Food-Chaining (FC), mise au point afin de répondre à cette problématique, pourrait permettre de traiter plus largement cette population en étant appliquée en milieu scolaire.

Elisa Antona, diététicienne agrée

Introduction

L’autisme étant un trouble neurodéveloppemental, il est fréquent que les personnes autistes présentent des troubles de la sensorialité telles qu’hyper- ou hyposensibilités aux textures, odeurs, goûts, etc. Celles-ci pourraient être à l’origine de comportements de sélectivité alimentaire, tout aussi couramment rencontrés parmi ce type de population (Chistol et al., 2018 ; HAS, 2018). Cette sélectivité alimentaire, dans sa forme extrême, peut suggérer un Trouble du Comportement Alimentaire Restrictif/Évitant (ou ARFID, Avoidant Restrictive Food Intake Disorder tel que décrit dans le DSM-V (Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders, 5e édition, 2013)) qui, chez l’enfant comme l’adulte, peut être précurseur d’importantes carences nutritionnelles.

Le FC est un concept développé par une équipe de logopèdes, médecins et diététiciens dont l’ouvrage « Food-Chaining » (Fraker, 2007) fut produit de leur travail commun. Cette méthode conçue pour une utilisation domestique s’adresse aux enfants éprouvant des difficultés à s’alimenter. Elle est constituée d’un programme en plusieurs phases, servant à identifier préalablement les causes de ces troubles alimentaires afin d’écarter celles nécessitant une intervention de type logopédique ou médical. Elle propose ensuite une solution adaptable en fonction des besoins de tout enfant, permettant de les aider à surmonter leurs troubles et à élargir leur régime alimentaire naturellement et en toute sécurité. La méthode FC pourrait être définie simplement comme une façon de passer d’un aliment apprécié par l’enfant, à un aliment « cible » non apprécié par l’enfant, en modifiant progressivement et par l’intermédiaire de différentes recettes les paramètres organoleptiques de ce premier (goût, texture, apparence, température, etc.) pour se rapprocher de ceux du second. Cela pourra nécessiter plusieurs étapes, qui composeront une « chaîne » de préparations culinaires.

Objectifs

Effectué au centre provincial d’enseignement fondamental spécialisé «L’Orée du Bois» en 2020 en vue de l’obtention du bachelier en diététique à la Haute Ecole Provinciale de Hainaut – Condorcet à Tournai, ce travail de fin d’études avait pour objectif d’évaluer l’efficacité de la méthode FC sur la sélectivité alimentaire d’enfants présentant des TSA, lors de son application en milieu scolaire. Ce travail espère offrir une piste logique dans l’exposition et la réintroduction d’aliments dans le régime d’enfants souffrants de sélectivité alimentaire ainsi que d’explorer la possibilité de l’intégration de cette méthode dans ce milieu particulier, afin de répondre à une problématique délicate à laquelle les membres de l’enseignement spécialisés sont peu formés pour réagir mais pourtant largement confrontés.

La finalité de ce travail est la transmission d’un outil à l’établissement, ayant pour ambition d’apporter une solution modulable et accessible à tout type de population.

Matériel et méthode

Des questionnaires ont préalablement été transmis aux parents des 6 enfants composant l’échantillon (4 garçons et 2 filles, de 8 à 9 ans, avec TSA), afin de relever leurs préférences et aversions alimentaires ainsi que leurs données médicales. Durant les 6 semaines suivantes, des préparations culinaires ont été présentées aux enfants, juste avant leur collation du matin et leur repas de midi, et ce, 2 jours par semaine. Les aliments-cibles, peu transformés, ont été proposés aux enfants à deux reprises, lors de la première semaine (S1) et de la dernière semaine (S6). La méthode FC a été appliquée tout au long des semaines intermédiaires, en débutant par des préparations élaborées et en transitant graduellement vers des préparations moins transformées, constituant les éléments des chaines distinctes d’aliments-cibles respectifs.

Pour chaque préparation, les réactions individuelles des enfants, constituant les résultats, ont étés recueillies et classées comme :

Afin d’évaluer l’évolution de leurs aversions, ces résultats ont été analysés globalement et individuellement par comparaison entre la première et dernière semaine ainsi que sur l’ensemble de la période.

Une brochure reprenant des conseils pour la mise en place d’activités culinaires similaires a été remise aux institutrices à l’issue de la période de stage.

Résultats

Tableau 1, synthèse des données recueillies 

Comparaison entre l’exposition initiale et finale des aliments-cibles : Sur les 4 enfants présents en S1 et S6, 2 ont manifestés une amélioration (baisse des refus et/ou augmentation des aliments appréciés, proportionnellement au total des préparations présentées) ; 1 a manifesté une régression (augmentation des refus et/ou baisse des aliment appréciés, proportionnellement au total des préparations présentées) ; 1 n’a manifesté aucune évolution.

Évolution sur l’ensemble de la période d’activité : Sur les 6 enfants présents, 3 ont majoritairement appréciés les préparations présentées ; 3 ont majoritairement refusés les préparations présentées ; aucun n’a majoritairement goûté les préparations sans les apprécier.

Présentation de l’outil : Composée d’une vingtaine de pages, la brochure transmise aux institutrices contient des informations sur la sélectivité alimentaire et sur la méthode FC ainsi que les étapes nécessaires à la mise en place de celle-ci (Questionnaires, matériel, organisation, etc.), des conseils pratiques (choix des chaînes, attitude à adopter, etc.), des exemples de chaînes détaillées avec recettes et des exemples d’activités non-alimentaires (Textures).

Discussion

A défaut de diagnostic formellement établit, différents niveaux de sélectivité alimentaire ont été identifiés chez les enfants d’après les observations récoltées ainsi que d’après les questionnaires complétés par les parents.

L’analyse de la comparaison entre l’exposition initiale et finale des aliments-cibles indique que les deux enfants manifestant une amélioration présentent un niveau modéré de sélectivité alimentaire, tandis que l’enfant manifestant une régression présente une absence ou un niveau faible de sélectivité alimentaire, et l’enfant ne manifestant aucune évolution présente un niveau sévère de sélectivité alimentaire. Bien que l’impact négatif (régression) sur un des enfants suggère que les activités de FC pourraient être néfastes, le taux élevé de préparations appréciées sur l’ensemble de la période par cet enfant laisse penser que davantage de ces activités pourraient le réconcilier avec l’aliment refusé. L’analyse de l’évolution sur l’ensemble de la période d’activité indique que les 3 enfants ayant majoritairement appréciés les préparations sont ceux présentant une absence ou un niveau faible à modéré de sélectivité alimentaire, et que les 3 enfants ayant majoritairement refusés les préparations sont ceux présentant un niveau modéré à sévère de sélectivité alimentaire.

Les résultats semblent démontrer une efficacité mitigée de l’activité, en raison du maintien d’un taux élevé de refus. La faible proportion de préparations goûtées sans être appréciées pourrait signifier que l’activité a à la fois permis aux enfants d’apprécier certains aliments, tout en renforçant leur aversion pour d’autres. Les préparations présentées ont cependant permis d’établir une relation stable entre la progression des chaînes et le respect des limitations alimentaires des enfants. De plus, les enfants manifestant une majorité de refus ont montré des signes prometteurs d’amélioration tel qu’un intérêt soutenu et une curiosité certaine envers les préparations, bien que les progrès observés aient été plus modestes et aient requis l’association de stratégies supplémentaires.

Le faible taux d’effectif, aggravé par les absences répétées des élèves, représente la limitation principale de cette étude qui ne pouvait toutefois être évitée en raison de la structure restreinte des classes de ce type d’enseignement.

Les activités ont permis de relever une portion optimale correspondant à environ 25g de préparation par enfant, soit une quantité suffisamment faible pour ne pas intimider l’enfant mais lui accordant tout de même 3 bouchées. Certaines denrées (Viandes, poisson, fruits oléagineux, etc.) ont été écartées afin de minimiser les coûts de l’activité.

Les préparations inspirées de produits industriels, vraisemblablement peu reconnaissables dans leurs versions exemptées d’additifs, ont été moins appréciées par les enfants que les préparations inspirées de plats traditionnels et artisanaux. Celles-ci ont étés réalisées d’après des recettes ordinaires nécessitant des ustensiles et compétences culinaires sommaires.

Conclusion

Si les résultats seuls ne permettent pas d’affirmer l’efficacité de la méthode FC, dont l’interprétation reste limitée par le nombre d’effectifs réduit, les observations relevées lors des activités laissent entrevoir le potentiel de son application en milieu scolaire. Les analyses suggèrent une réceptivité proportionnelle au niveau de sélectivité alimentaire manifestée par l’enfant, un niveau plus sévère pouvant requérir l’adjonction de stratégies supplémentaires associées à la méthode FC. En raison de leur structure ajustée, les classes d’enseignement spécialisé sont propices à instaurer ces activités, adaptables en fonction des ressources de l’établissement. Ce travail à permit la réalisation d’un outil à destination de ce type d’institutions, lesquelles pourraient très certainement bénéficier davantage d’interventions diététiques.

Bibliographie

Chistol, L. T., Bandini, L. G., Must, A., Phillips, S., Cermak, S. A., & Curtin, C. (2018). Sensory Sensitivity and Food Selectivity in Children with Autism Spectrum Disorder. Journal of autism and developmental disorders, 48(2), 583–591. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3340-9

 

HAS. (2018). Trouble du spectre de l’autisme : Signes d’alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l’enfant et l’adolescent. [PDF]. Retrieved from : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018- 02/trouble_du_spectre_de_lautisme_de_lenfant_et_ladolescent__recommandations. pdf

 

American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). Arlington, VA: Author.

 

Fraker, C., Fishbein, M., Cox, S.& Walbert, L. (2007). Food chaining: The proven 6-step plan to stop picky eating, solve feeding problems, and expand your child’s diet. New York: Marlowe.

 

Illustrations réalisées par ANTONA Elisa.

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