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19e Journée d’étude | 29/09/2023 | Santé mentale : quelle place pour le diététicien ?

De l’hôpital à la maison : les nuances de la prise en soin diététique en santé mentale

Quand nous avons choisi de présenter cet exposé à la journée d’étude, nous nous sommes posé une première question : pour qui, pourquoi cet exposé ? Destiné à qui ? Nous voulions expliquer notre vie quotidienne, faire découvrir un aspect du métier de diététicien.ne.s qui est un peu moins connu et qui parfois peut un peu effrayer. Notre présentation s’adresse à tous les diététicien.ne.s hospitalier.e.s ou qui travaillent en consultation. Cela nous a semblé utile de savoir comment réagir face à un.e patient.e psychiatrique pour plusieurs raisons : d’abord parce que tout le monde est à risque de développer une pathologie psychiatrique et qu’en plus, la pandémie a fait exploser la conscientisation  des maladies psychiatriques chez les patients et dans leur entourage.

Marie-Noëlle Pirnay et Stéphanie Navarre, diététiciennes du GD Psy

1. Introduction

Selon l’OMS, en 2019, 1 personne sur 8 présentait un trouble mental, anxieux ou dépressif. Après la pandémie on a vu le nombre de patients atteints augmenter de 25%

La 2e motivation de cette présentation est le jugement des gens mais aussi des soignants qui pensent que la psychiatrie est synonyme de folie. Mais ne sommes-nous pas un peu tous fous … ? Notre intervention a donc pour but de dédramatiser et « dédiaboliser » la psychiatrie. Néanmoins on a le droit de ne pas se sentir à l’aise avec la psychiatrie et on peut passer la main à d’autres collègues qui sont plus habitué.e.s. Certains patients sont plus sensibles que d’autres et il faut savoir utiliser les bons mots, avoir les bonnes attitudes.

Les statistiques de 2021 montrent que le motif d’hospitalisation en psychiatrie le plus fréquent chez les femmes était la dépression et chez les hommes, le mésusage de l’alcool et ses conséquences.

Depuis la crise du Covid, la première cause d’hospitalisation en psychiatrie chez les deux sexes est à présent les tentatives de suicide et les idées suicidaires.

2. A l’hôpital

Pour prendre en charge ces patients, il faut un encadrement pluridisciplinaire.

A la clinique de la Forêt de Soignes, l’équipe comporte des infirmier.e.s, un médecin généraliste, des psychiatres, des psychologues, des neuropsychologues, des ergothérapeutes, des assistants sociaux, des éducateurs, des kinés et une diététicienne.

Au Grand Hôpital de Charleroi, l’équipe se compose d’infirmier.e.s, d’un médecin généraliste, de psychiatres, de psychologues, d’ergothérapeutes, d’assistants sociaux, d’éducateurs, de kinés et d’une diététicienne. Il y a deux services hospitaliers de type A avec un séjour de minimum 3 semaines. Il y a aussi un hôpital de jour et un centre d’Initiative d’habitation protégée appelé Le Regain qui a un but de réadaptation progressive vers l’indépendance.

Notre rôle est capital à cause de l’impact des traitements neuroleptiques sur le poids ou la satiété ainsi que pour l’aide au recadrage de l’alimentation familiale suite à la pathologie psychiatrique d’un des membres de la famille.

Voici un petit rappel des pathologies les plus rencontrées en hospitalisation :

Parfois, les pathologies psychiatriques peuvent s’additionner et ça devient plus compliqué.

Il faut aussi faire la distinction entre la phase haute et la phase basse. On devra parfois attendre quelques jours avant de pouvoir intervenir auprès des patient·e·s. Certaines psychoses, la paranoïa par ex., induisent parfois certaines croyances et certitudes erronées chez les patient·e·s.  Il faudra attendre la fin de la phase haute pour travailler sur ce point.

Notre prise en charge à l’hôpital consiste à faire une visite aux entrants, à encoder les cartes-repas ou les feuilles de goûts, à dépister la dénutrition (subventions du SPF santé), à dépister le syndrome métabolique (financement aussi pour les patient·e·s interné·e·s en libération à l’essai, demandé et subventionné par le SPF justice), suivre les résultats de prise de sang, faire les modifications d’alimentation thérapeutique et donner les explications aux patients en vue du retour au domicile.

De plus, nous faisons toutes les semaines des ateliers ou des activités de groupe sur des thèmes tournant autour de la nutrition mais parfois aussi des sujets plus éloignés. Nos éducateurs font des ateliers culinaires autour du même thème. Ex : lecture d’étiquetage, menus équilibrés, écologie alimentaire, émotions alimentaires, jeux de société, quizz, budgets, lutte contre le gaspillage, etc…  Les thèmes sont choisis selon le type de patient.e.s présent.e.s dans l’unité. Nous sommes ravies de voir que nos patient.e.s retiennent beaucoup de nos apprentissages et surtout qu’ils réalisent que mieux manger les aide à se sentir mieux mentalement, au lieu de se dire qu’ils se préoccuperont de leur alimentation quand ils.elles iront mieux psychologiquement.

Nous travaillons avec le GDPsy pour pouvoir vous mettre à disposition des ateliers « clé sur porte » sur tous les thèmes autour de la pyramide alimentaire.

Nous avons profité de notre intervention pour accentuer la mise en garde concernant la chirurgie bariatrique et la consommation abusive d’alcool. Les chirurgies bariatriques et plus principalement le bypass en Y augmenteraient le risque de dépendance à l’alcool, surtout chez les personnes qui en faisaient déjà un mésusage avant opération. On constate une évolution de la consommation dans la 2e année post-op. Cela s’explique par l’absorption plus rapide de l’alcool (15’ >< 35’) mais aussi par le transfert de dépendance de la nourriture vers l’alcool : l’alcool remplace la nourriture dans le système de récompense mésolimbique (sécrétion de dopamine). On s’interroge aussi sur l’implication de l’alcool dans les changements des taux de ghréline et GLP-1.

Nous rencontrons aussi de plus en plus de patient.e.s pychiatriques qui souffrent d’orthorexie : les patient.e.s atteint.e.s de pathologie psychiatrique auront parfois tendance à vouloir atteindre la perfection tant dans l’alimentation que dans la pratique d’une activité physique pendant sa prise en soin. On voit alors apparaître des comportements orthorexiques. Il convient de dédiaboliser l’alimentation et parler également du plaisir alimentaire.

Il n’est pas rare de voir apparaître chez nos patient.e.s des troubles de conduites alimentaires secondaires aux pathologies psychiatriques. Ces TCA ont généralement tendance à diminuer ou disparaître grâce au suivi psychiatrique. Il convient tout de même de les aborder pendant la prise en soin.

3. En cabinet privé

En cabinet privé, les consultations diététiques ambulatoires ont pour motifs les plus courants les TCA (ados, jeunes adultes, adultes), le burn out (beaucoup de femmes), la dépression et les addictions. Lors de consultations diététiques, il n’y a pas de mode d’emploi. Le maître-mot est l’adaptabilité.

On va donc commencer par une prise de contact, vérifier la demande exacte du patient, se renseigner sur ses soignants, sur sa médication (cf. fascicule des neuroleptiques) en l’état actuel. Il faut savoir ce que le patient veut faire mais tenir compte de ce qu’il se sent capable de faire.

Les étapes du changement : l’action peut parfois être de très grande intensité, tellement que le maintien est impossible. En psychiatrie, le nombre de rechutes peut être important mais fait partie du cheminement.

Figure 1. Les étapes du changement

4. Conclusion

La psychiatrie est composée de patients comme les autres avec un petit plus ; pour les prendre en charge, la patience et la bienveillance sont indispensables. Mais rappelez-vous qu’il n’est pas honteux de passer la main à des collègues si vous ne vous sentez pas armé·e pour ce type de prise en charge. En général, face à ces patient·e·s, on les adore ou ils·elles nous irritent au plus au point. Nous, en tout cas, on les adore !

Bibliographie

« La chirurgie bariatrique a-t-elle une influence sur la consommation d’alcool ? », P. Solioz, V. Culand; Nutrition clinique et métabolique T30 n°2, juin 2016

« Chirurgie bariatrique et risque accru de dépendance à l’alcool » C. Ferrario & al.; Nutrition-obésité, 23 mars 2016

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